Plan Urbain Lettre de commande n°09 Emmanuel Eveno Au début ...

plus de l'ordre, au sens de Bataille, de la souveraineté que de l'ordre du pouvoir. Ce sont là
juste quelques petits éléments, j'expliquerai tout à l'heure pourquoi.
Je reviens à ce qu'on pourrait essayer de faire et c'est un programme de travail qui serait tout à
fait intéressant. Je vais répondre à ce que me demandait Marie-Christine Jaillet, sur les
relations entre les approches utopiques et la recherche urbaine.
Il y a du côté des fonctionnements de l'urbain et des villes un certain nombre de ruptures et de
ruptures suffisamment fortes pour que l'on comprenne que les systèmes de pensée eux-mêmes
se situent en rupture et que les chercheurs ne sont pas dans des phases de continuité, comme si
les systèmes urbains et les villes n'étaient pas eux-mêmes en rupture.
Cela peut s'expliquer parce que toute une part de la pensée urbaine dans la recherche urbaine
française doit beaucoup au glissement opéré après la reconstruction, vers l'urbanisation de
masse, avec les interrogations qui ont pu être celles de la première période, notamment autour
de Chombart de Lauwe, autour d'un certain type de culturalisme, de l'approche de sociologie
urbaine et de l'héritage de la géographie urbaine française. Celle-ci est considérable et elle
faisait penser que l'on allait peut-être avoir pour les villes des éléments de redéveloppement
qui échappent à la simple reconduction, qui rentrent dans des phases de la modernité, telles
qu'on pouvait les penser dans notre pays, notamment autour de la planification.
Rappelez-vous tous les travaux sur les comptes de la puissance, tous les travaux effectués sur
la planification à la française dans les années 50 et 60 qui montrent de toute évidence que la
question urbaine n'est absolument pas séparable de l'ensemble des autres questions du projet
social et du projet politique national. Cela ne veut pas dire pour autant que c'est dans le
champ de l'utopie. On peut montrer assez facilement que par exemple, parmi les principaux
travaux comme ceux de Chombart ou d'Henri Coing à la fin des années 60, début des 70, qui
appartiennent à des courants proches à l'époque, on n'est pas dans le champ de l'utopie, on est
dans un champ qui conjugue à la fois le projet d'une rationalisation à la fois économique,
sociale et urbaine et une entrée dans la modernité.
Je ne dirais rien sur la modernité, même si c'est un débat sociologiquement contemporain très
dur et difficile à éclairer. Je dirais que ce qui, pour l'étranger et pour beaucoup d'autres
partenaires de la recherche urbaine a été le plus marquant, ça a été la rupture introduite après
mai 68 par l'irruption, sur un terrain que l'on croyait à peu près bien balisé, d'un nombre
croissant de chercheurs empruntant aux approches post-marxistes l'essentiel de leur vision des
choses. Or cette vision-là peut-elle être d'une manière ou d'une autre analysée au regard des
principes utopiques ou idéologiques? De toute évidence, c'est d'abord dans le champ
idéologique qu'il faut l'inscrire. Il est clair que ce champ d'approche qui se veut
fondamentalement critique démonte et tend à démonter systématiquement la manière dont
l'Etat et dont le capitalisme monopoliste de l'Etat avait effectivement saisi la ville et tendait à
la construire suivant ses propres principes avec un certain nombre de mécanismes
extrêmement brutaux de l'exercice du pouvoir fondé sur les mécanismes capitalistiques et
financiers notamment, mais aussi sur le pur et simple pouvoir d'un Etat qui construit des
administrations solides et efficaces (c'est la création du ministère de l'Equipement en 1967 qui
en était un bon indice). Pendant plusieurs années, on a le sentiment que la question des villes
est entre les mains de l'Etat, elle n'est plus entre les mains ni des élus locaux, ni des
populations. La vision qu'en donne la recherche urbaine est fondamentale, une vision de
violence, violence exercée pendant plusieurs années par les moyens de l'Etat et une vision de
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