Plan Urbain Lettre de commande n°09 Emmanuel Eveno Au début ...

donc dans la période, dans toutes les années 80 et jusqu'au début des années 90, le
balancement entre ces deux grandes visions possibles de l'approche urbaine: l'une qui insiste
sur le fait qu'il y a à réparer et de l'HVS au DSQ, du DSQ à la politique de la Ville, il y a là
une continuité 77-98, soit vingt et un ans que nous vivons des formes successives de la chose
(cf. le rapport Sueur).
Pourquoi est-ce que je parle de ce qui fait problème dans la période pour la recherche urbaine
comme pour la question de l'utopie?
C'est que dans le cadre de la question à la fois de la dégradation de la recherche de grandes
explications aux fonctionnements sociaux qui dominent la période, il est clair que l'abandon
des grands modèles dont on croyait pouvoir disposer dans les années 70 domine
complètement la période: on admet que l'on ne va pas trouver aisément un modèle idéologique
satisfaisant rendant compte de l'intégralité des transformations en cours et qu'il va bien falloir
"bricoler un peu". On assiste donc dans cette période à énormément de bricolages
intellectuels, conceptuels, parce qu'on revient plus sur le terrain, on passe son temps à regarder
ce qui se passe, on est capable de passer énormément de temps sur un micro-quartier et à
essayer de comprendre pourquoi il y a du social ou pas. Tout cela est quand même un élément
tout à fait décisif qui revient à dire que si utopie il y a, de ce point de vue, elle est quand même
dans les arrière-têtes, elle ne se trouve pas située immédiatement dans le champ de l'analyse
urbaine. Il y a vraiment ce souci d'être très près des choses, de mieux les comprendre, de faire
des programmes de recherche assez finalisés où on va éclairer les points les uns après les
autres: on va faire des programmes sur les services urbains, les espaces publics, la
gouvernance, la ségrégation, les mécanismes d'exclusion,..., à chaque fois en essayant d'avoir
un petit territoire explicatif qui "tienne un peu la route", qui soit un peu solide.
Alors, est-ce que cela nous pose des questions par rapport à l'utopie? Sûrement, parce que d'un
autre côté, les acteurs, eux dans la même période, sont en situation difficile. Ils sont face à une
disjonction de la croissance urbaine: il y a des signes évidents de la richesse d'un pays
développé, mais dans ses villes les plus riches, se développent en même temps les éléments
les plus difficiles de la vie quotidienne. C'est dans les villes les plus riches que cela se produit
et par conséquent, c'est bien là que la contradiction est la plus violente et la plus difficile à
accepter par les acteurs, par les élus, par les responsables, par les administratifs. Pendant ce
temps-là, les chercheurs se gardent bien d'entrer dans des explications générales de la société.
C'est dans ce contexte qu'effectivement malgré tout ont émergé des éléments qu'on pourrait
considérer comme utopiques parce que correspondant à des visions du monde. J'en prends
deux:
- la première, le droit, un univers utopique. On étiquette par exemple un droit au logement,
alors que de toute évidence il n'y a aucune instance devant laquelle ce droit puisse être
reconnu ou sanctionné. Mais cela ne fait rien, il y a un univers du droit qui manifestement
correspond, que ce soit en ce qui concerne le droit au logement, mais aussi le droit des
femmes (qui est d'ailleurs beaucoup plus important sur la période, à partir de 73), le droit des
minorités, le droit écologique, le droit de le terre,...). On a donc toute une série d'idées qu'on
peut faire accéder à un monde quelque peu utopique du droit; ce qui de toute façon ne pourrait
pas avoir de conséquence judiciaire. C'est important dans un pays comme le nôtre. J'en dis
deux mots parce que nous sommes un pays de droit public, dans lequel ce qui est de l'ordre du
30