Plan Urbain Lettre de commande n°09 Emmanuel Eveno Au début ...

vieux comme l'évolution, choisit d'apprivoiser le temps et la peur de la mort en imaginant un
monde qui ne change pas puisqu'il est écrit. En ce sens l'enfance serait une utopie.
Dans une société qui en fait moins que jamais, combien il est étrange de voir que tout est
justifié par la place des enfants. Le pavillonnaire est-il un paradis? C'est que les enfants ont
leur chambre et un jardin. L'enfer des cités, c'est que les enfants sont sans famille et errent le
soir (dans les jardins collectifs qui ont été remplacés sur les plans par des parkings). Utopie
durable qui veut laisser "la terre à nos enfants" mais une terre propre, idéale... Les sources de
cette vision sont à rechercher dans les tendances utopique qui accompagne les idéaux
pédagogiques européens, (Rabelais, Erasme, Milton, Locke, Rousseau, Kant en un certain
sens, Pestalozi, Dewey, Montessori...) qui veulent changer l'éducation pour changer l'homme,
afin de changer le monde.
Ainsi peut on tenter de justifier le détour par la littérature enfantine. Ce qu'on dit aux enfants,
au même titre que l'utopie, d'avantage, peut-être, informe l'avenir. Y comprendre le présent
passe donc peut-être par les étagères des livres d'enfants de nos parents.
Et les U.S.A? Castel Way of life ?
Avant de conclure, il y a encore à répondre à une objection sérieuse quant aux hypothèses de
ce travail. En restant dans le cadre français, en privilégiant le rôle du substrat et des œuvres
locales attachées au passé, on ignore les bouleversements, les influences, en particulier de
l'américain way of life, sur lequel la ville émergente se fonde par imitation, autour du rôle de
la voiture. Du reste, par Walt Disney, Superman, Batman ou autre Zorro, et films
holywoodiens, ce modèle a influencé au moins autant les enfants de France que la littérature
enfantine francophone, et ils ont d'ailleurs été cité dans la dernière partie de ce texte. Or, les
USA sont un pays neuf qui n'a que faire de "la vie de château", et encore moins de son
"substrat aristocratique du périurbain"...
On pourrait, lâchement prétendre qu'il n'y a pas à prendre en compte cette objection, s'il s'agit
de suivre le rôle du substrat français: toutefois la référence obligée à la Californie pour la ville
émergente ou à Chicago et son école pour les théoriciens des banlieues invite à vérifier cette
objection, pour les USA, d'autant que ce sont des anglo saxons (Senett et Mumford) qui ont le
mieux posé le problème de la continuité entre ces châteaux et l'urbanisme contemporain, et
que c'est à déjà dans la démocratisation égalitaire de la liberté que Toqueville voyait l'avenir
des USA.
Comme on l'a montré, la crise spatiale impliquée par la démocratisation d'une perception
sinon aristocratique, du moins coloniale et élitaire de l'espace peut être une clef de lecture de
l'histoire de Laura Ingells Wilder. Son père cherche à être seul avec l'espace sauvage autour de
son domaine, où il préserve sa famille de la ville: petite maison dans la prairie, multipliée par
toutes les familles Ingells finit par impliquer la colonisation insensée (Cooper, Curwood, J
London) sous forme d'épuration ethnique génocidaire (dernier des Mohicans, Buffalo Bill)
qu'avait prévue Toqueville, puis les modes d'urbanisation que nous connaissons en Californie,
issus du modèle Holywoodien. Cela dit, encore faudrait-il prouver que c'est à un modèle
aristocratique que se réfèrent les imaginaires étatsuniens, et plus précisément pour notre sujet,
ceux que véhiculent la littérature enfantine.
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