Plan Urbain Lettre de commande n°09 Emmanuel Eveno Au début ...

On peut citer quantité d’exemples contemporains qui correspondent à notre description
rapide : le communautarisme, le mouvement hyppie, le naturisme, le sectarisme, le spiritisme,
le satanisme, le sadisme, le pornographisme... Aussi curieux qu’il paraissent, ces
« mouvements » se réclament ou se sont réclamé de l’utopie, ont fait maints emplois à la
rhétorique du renversement des valeurs sociales et des codes moraux, à la rhétorique de la
révolution (la révolution sexuelle, notamment, de laquelle se réclamaient dans les années
soixante-dix les premiers auteurs de manifestes pornographiques) ont expérimenté des
modèles de communautés (les sectes, le naturisme), ont inventé de nouveaux langages ou de
nouveaux codes langagiers, ont puisé pour se justifier dans des textes de référence plus ou
moins anciens, dont certains « officiellement » utopiques (tels que les écrits de Charles
Fourrier pour ce qui avait trait à la révolution sexuelle)...
Ces mouvements correspondent à une vision ou une interprétation alternatives du monde.
Face à la victoire, au moins dans les pays occidentaux, d’une interprétation positiviste du
monde, conjointement au déclin des religions instituées, l’utopie procède d’un
réenchantement du monde. Elle rejoint en cela tout une série de mouvement qui permettent de
réaliser un monde égo-centré, à sa mesure et à sa loi.
Le naturisme apparaît comme une synthèse de tendances communautaristes et primitivistes. Il
ne s’agit pas réellement d’un discours sur les bienfaits d’un nouveau mode de vie, mais d’une
distanciation avec le mode de vie « normale ». Dans ce monde alternatif, il semble qu’il soit
plus facile de négocier sa place que dans la société « extérieure » ne serait-ce que parce que les
codes sociaux affichés par les vêtements sont censés n’avoir plus de sens et parce que la
communauté, par nature, est à une échelle plus réduite. Les communautés naturistes sont assez
souvent exclusives, elles disposent de leurs propres médias, d’un fond philosophique ou
scientifique qu’elles considèrent comme légitime, avec pour les naturistes français, des
auteurs tels que le géographe Elisée Reclus (dans son ouvrage "L'Homme et la terre", un
chapitre est consacré à « La question des vêtements et de la nudité » où il affirme que la nudité
est plus hygyénique que le fait de se vêtir, plus subversif aussi, il convient de se rappeler que
Reclus était anarchiste) ; ou encore E. Armand, qui, dans L'Encyclopédie anarchiste, en 1934,
déclarait que « le nudisme est, individuellement et collectivement, un moyen d'émancipation
des plus puissants . Il nous apparaît comme tout autre chose qu'un exercice hygiénique
relevant de la culture physique ou un renouveau "naturiste". Le nudisme est, pour nous, une
revendication d'ordre révolutionnaire. Révolutionnaire sous un triple aspect d'affirmation, de
protestation, de libération » 67.. La dimension communautaire est souvent clairement affichée,
au point qu’il soit parfois nécessaire de lui attribuer un statut juridique (du type association).
Ces communautés se barricadent assez souvent (s’insularisent), portent des noms fortement
évocateurs de la référence à l’utopie (Héliopolis, Héliovillage, Port Vénus, les jardins de la
Palmeraie constituent ainsi les sites où se trouvent les logements pour naturistes
commercialisés par l’«Agence Geneviève Naturisme » du Cap d’Agde ; édictent des
règlements, ou produisent des « valeurs » de vie en commun spécifiques («Le
naturisme/nudisme est une manière de vivre en harmonie avec la nature, caractérisée par une
pratique de la nudité en commun, qui a pour but de favoriser le respect de soi-même, le
respect des autres et le soin pour l'environnement» -Fédération Naturiste Internationale,
congrès de 1996-), désignent les personnes du monde extérieur par des termes spécifiques (les
67 Texte extrait de l'étude "Communautés, naturiens, végétariens, végétaliens, crudivégétaliens dans le
mouvement anarchiste français" Invariance, supplément au n° 9 janvier 1994
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