Plan Urbain Lettre de commande n°09 Emmanuel Eveno Au début ...

aristocratique". Il épouse une fille de médecin, s'installe avec elle et la famille dans la maison
de famille de Cécile, à Chessy, la moitié de l'année, avec servante, parc... Rapidement mère de
deux enfants, à Paris ou dans les Alpes, la mère raconte aux enfants les contes habituels de
Grimm, Perrault, Rabier, avant de d'inventer la triste histoire d'un éléphanteau dont la mère est
tuée par un chasseur (argument de Bambi 1923 que ne connaissaient pas les Brunhoff). Babar
est né.
Chez Brunhoff, pas de haine de la ville, même si elle est, pour Babar, un bout du monde,
espace des hommes qui envoya le chasseur. C'est par la ville et sa vieille dame (au statut
ambigu de mère, de grand-mère, mais aussi de femme entretenue, maman de Warens de
Rousseau, tante Léonie de Swann), que le héros se civilise, survit à l'arrachement par les
hommes à la condition naturelle (naturiste). Famille d'adoption, recomposée; la nature n'est
cependant pas la campagne agricole, et la ville n'est que la périphérie du monde de Babar, lieu
où il se redresse, s'achète, s'habille, se fait une image (miroir, photo), mais lieu qui lui rappelle
l'écart avec son monde. Paradis perdu, Eden des nus (les cousins qui viennent le rechercher).
Péché originel de la ville, elle fait oublier sa mère-nature. Les mères viennent rechercher les
cousins. Comment concilier le confort, la culture urbaine et la nature et sa morale? L'auto.
Seule solution. Trait d'union entre deux mondes. L'attribut du père par excellence (au fait, le
père de Babar est absent , la vieille dame est veuve? et le roi des éléphants meurt au retour de
Babar), les mères n'ont pas de place dans l'auto. Le fils fuit les mères étouffantes. Costumé,
cultivé, motorisé, il est légitime pour succéder au Roi mort et épouser Céleste. Babar est Roi.
Phantasme colonial d'assimilation (cf. Dorfman)? Phantasme aristocratique? Phantasme
éducatif? (l'enfant pensait Ségur est entre la bête sauvage et Dieu). Par la reconnaissance
familiale et la vie en la nature être maître chez soi, en dehors de la ville qui acculture?
Civiliser entre ville et nature, rester fidèle à la lignée, par l'habit 75 et la mobilité, être au dessus
de la condition des sauvages?
Le voyage de Babar, en ballon, explore une contre utopie du livre précédant. Enfermé chez
des cannibales (dans la version originale), Babar doit profiter d'une baleine pour joindre un
bateau. Cette fois, ce n'est plus l'homme mauvais qui arrache l'éléphant à sa condition
naturelle. C'est l'homme naturel qui manque de manger l'éléphant civilisé. On ne peut
retourner à la sauvagerie. Le capitaine vend les éléphants, considérés comme sauvages
apprivoisés, au cirque, et c'est la vieille dame qui sauve Babar. Mais, pendant ce temps
l'absence du père manque de rendre ses enfants à la sauvagerie: une mauvaise blague sur le
rhinocéros tourne à la guerre. Difficile statut de l'entre deux. Ce conte montre (la même année
que Tintin au Congo et en Amérique, en pleine préparation de l'exposition coloniale) une
même ambiguité. Certes, l'homme blanc est supérieur (cannibales= Congo). Mais peut-il
priver les dominés de leur liberté (capitaine du bateau qui les donne au cirque = militaires qui
chassent les indiens)? Ne doit-il pas plutôt contribuer à libérer (vieille dame ramenant Babar =
aide de Tintin aux Wang)? Babar, qui remporte la victoire sur les sauvages, est libre, mais
entre deux natures.
Celesteville et La ville des Singes: démocratiser la vie de château.
75 Sortant du cadre que nous fixons à notre étude, (en partie seulement, car la vie aristocratique passe aussi par
cette distinction-là) il y aurait d’ailleurs à réfléchir sur la capacité à maîtriser son costume pour avoir droit à être
partout légitime, non sauvage (Hergé dont Tintin et ses comparses sont des caméléons vestimentaires est fils de
tailleur d’habit, et on ne compte pas les mentions de Ségur à des vétements).
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