Plan Urbain Lettre de commande n°09 Emmanuel Eveno Au début ...

transmission de l'utopie de la vie de château existe donc aussi aux USA, dans la littérature
enfantine de cette société qui fut si longtemps tournée vers ses enfants. Elle a donc pu
également contribuer, en revenant en France, à structurer de façon masquée, ce modèle d'un
lieu idéal, ni urbain, ni rural, ni sédentaire, ni nomade, ni tyrannique, ni démocratique et
dominant par des barrières spatiales les confrontations sociales. Les liens entre U.S.A. et
France, de ce point de vue, sont ceux de leur révolution : les deux peuples se sont construit
contre leur aristocratie. Du reste, les liens seraient plus difficiles à faire avec la littérature
enfantine allemande, anglaise ou italienne ? Le Prince et le Pauvre de M Twain, indique, au
fond, que tout pauvre peut-être Prince. Ce que Grace Kelly montre.
CONCLUSION
Conclure un exercice de style, c'est reconnaître qu'en mauvais voyageur, on n'en a pas
vraiment suivi les balises, ni respecté les bornes. Il s'agissait de montrer des continuités
"chronotopiques" dans les banlieues françaises. Première étape du voyage ; le modèle de
Hergé ressemble, en amont, au système de vie périurbain aristocratique, et en aval, aux
modèles du périurbain le plus contemporain. Deuxième étape, vérifier ailleurs dans la
littérature enfantine. Modèle aristocratique chez Ségur, qui fonde son utopie éducative sur le
château, face au modèle scientiste chez Verne, qui privilégie l'exploration des natures
(Mobilis in Mobile), tentative de démocratisation par assimilation chez Brunhoff, description
lucide de ce que cette assimilation démocratique implique en terme de destruction du modèle
par Pagnol, crise générale enfin, menant à une crise de ce modèle spatial et moral chez
Brunhoff, Franquin ou Hergé qui en étaient pourtant les véhicules. L'étude montre que le lien
est possible.
L'étude montre aussi la liaison intime entre ces œuvres et leur inscription dans un substrat
géographique du périurbain ou du château, ou des successeurs des châteaux. Lien direct chez
Ségur, dont on pourrait cependant douter à bon droit de l'aspect périurbain (même si Fleurville
est à cinq kilomètres de la ville de Moulins) et qui relève d'avantage de la double résidence.
Lien encore chez De Brunhoff, qui relie l'architecture et les projets urbains de ville neuve de
son temps à l'espace intime idéalisé d'une vie de château et de double ou triple résidence qu'il
pratique. Lien plus étroit chez Hergé et Pagnol qui d'un côté comme de l'autre, montrent
comment l'idéal d'une vie de château est un moteur essentiel de la quête intime d'une vie
familiale, comment cela s'inscrit dans une confrontation spatiale entre les propriétaires vrais
des châteaux et l'ensemble de ceux qui autour de la ville cherchent (Lampion et Pagnol) à
s'adjoindre au modèle... Le périurbain est bâti aussi autour de ces châteaux réels que la classe
moyenne veut s'approprier et autour de l'hyper mobilité exigée par l'imitation de ce mode de
vie (qu'on peut également lier à une perception similaire des U.S.A.).
Un exemple fera mieux comprendre en quoi ce qui est à l'œuvre comme modèle dans la
littérature enfantine est également à lire sur le terrain. Autour de Toulouse, à partir de 1500
environ, des fermes et métairies deviennent des demeures de villégiatures (ainsi à Colomiers
le Falcou bâtie vers 1500 pour Folc de Rabastens). Dans sa thèse, Albergue en compte au
moins 189. Or, ils sont bien plus nombreux. Pour Colomiers, Albergue étudie deux châteaux,
là où on peut en citer au moins douze (la carte de Cassini en montre d'avantage). Brunet, qui
élargit la zone d'étude multiplie les points sur sa carte de ce phénomène. Leurs parcs jardins
(en particulier celui de Balma ou celui de Blagnac) apparaissent dès 1720 sur une carte du
canal du midi comme des espaces différenciés, avec des ronds points au cœur d'allées
paysagères. Autour de ces grands domaines, où les Toulousains passent une bonne partie de
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