Plan Urbain Lettre de commande n°09 Emmanuel Eveno Au début ...

fait d'un pavillon de chasse, le lieu d'une construction absolutiste et utopique du pouvoir.
L'idée est d'inverser le propos. Le Roi est partout chez lui, en tout château de la noblesse? La
noblesse sera chez elle en la cour du roi. Puisque le Roi Soleil ne peut être partout, chez eux,
ils seront ici, chez Lui. Plutôt que d'être le centre de la ville (qui risque de l'encercler), Louis
met la ville à la périphérie du palais. Plutôt que d'être environné par la campagne proche, et
Marie-Antoinette reconstitue "sa bergerie" (premier parc d'attraction du monde?) au centre de
"son" parc. Le modèle Versaillais s'inspire de la fête de Vaux-le-Vicomte, signe d'un pouvoir
tel qu'il en coûta tout au surintendant qui entra en Bastille. Il se répand en Europe, et par
ricochet autour des villes où chacun refait son petit Versailles, jaloux de ses privilèges et
titres. Rééparpillement.
Louis XVI fera le chemin inverse. Payer son pouvoir absolu par l'ouverture de la bastille, subir
l'obligation de rentrer à Paris, encerclé, de s'y soumettre aux frondes: sa famille se décompose
contre son gré. Le Roi et sa noblesse sont abaissés. Le peuple est partout chez lui: échec de
l'utopie absolutiste. Les aristocrates, dont les bourgeois coupent la tête et les paysans brûlent
les châteaux, émigrent. A leur retour au pouvoir, leurs biens ont été vendus à la bourgeoisie.
Les vulgaires, illégitimes, comme l'usurpateur, tentent de fusionner avec les aristocrates, de
leur prendre un peu de leur modèle. Saint Simon tente l'inverse: accorder ce qui fait la
puissance de la bourgeoisie à l'idéal aristocratique, reprenant la tradition Colbertienne.
Après 1830, la noblesse entre en l'exil intérieur que Senett décrit dans la ville et l'œil. Le repli
sur les terres. Voyager devient moins affaire de guerre ou de pouvoir que de loisir ou de
tourisme. C'est l'expérience et la grande réflexion de Toqueville. On attend de revenir au
pouvoir, face à ces bourgeois qui tentent toujours d'imiter, de fusionner. Jusqu'à quand cela
dure-t-il? Jusqu'au second empire? Jusqu'à Proust? Les marxistes ont-ils tort de considérer que
l'aristocratie disparaît? Elle se cache. Politiquement, on la voit animer un courant politique
catholique ultramontain qui manque de revenir au pouvoir en 1873. Des convergences avec
les autres ennemis des bourgeois, les ouvriers, socialistes, peuvent parfois apparaître (ce qui
explique les itinéraires politiques à la Hugo.) L'affaire Dreyfus les fait-ils disparaître, comme
Proust le laisse entendre, qui montre les salons envahis par des antidreyfusards bourgeois? La
guerre de 14 comme la Grande illusion du cinéaste Renoir le présume? Ou un désastre
intérieur, pervertissant la règle du jeu? Est-ce surtout la fin de le rente foncière? Cet idéal
aristocratique cherche une troisième voie, chrétienne, antibourgeoise et anticommuniste,
autour de l'armée, de la famille, de la religion. Les années trente en voient sans doute resurgir
des pans entiers, dans une extrême droite européenne qui reprend la partie de la tradition Saint
Simonienne consistant à revendiquer la modernité et l'entreprise comme outils de leur
idéologie. L'abbé Wallez est dans cette logique-là.
Transmission littéraire (Dumas), transmission matérielle (les châteaux du périurbain),
transmission politique (légitimisme de retrait): Hergé reformule inconsciemment ou
sciemment un idéal de vie perdu.
En aval, seconde surprise. Elle provient de la comparaison de cette formulation avec une autre
formulation utopique du périurbain. Le discours utopique n'est pas absent de la constitution de
ces espaces. Cité jardins, villes neuves, émergentes, toutes ces réalisations visent à refonder,
au mieux, à élargir, au plus modeste, la ville centre, autour de l'acte démiurgique de la
construction ou du "lotissement". La nouveauté des conditions de transports et de
consommations, la rupture des conditions de productions fait table rase de l'ancien périurbain
rural dont il n'y a rien à savoir.
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