Plan Urbain Lettre de commande n°09 Emmanuel Eveno Au début ...

forêt, que le carrosse relie aux autres châteaux. Ces genres passent rapidement pour être
destinés à l'enfance (ce qui n'était pas le cas à l'origine). L'importance de l'enfant et de son
éducation pouvait-elle échapper à Louis XIV vieillissant, celui du Versailles accompli, celui
qui avait épousé morganatiquement la gouvernante de ses enfants illégitimes, et unifié
religieusement son royaume sous la volonté de cette même Mme Maintenon. Ladite veuve
Scaron qui demandait à Racine des pièces pour jeunes filles, voulant une littérature
d'édification pour adolescentes. Avec Fénelon (qui écrit des contes pour les enfants du Roi, et
surtout Télémaque) elle contribue à l'irruption d'une vision de l'éducation enfantine où le livre
spécifique a sa place. La vague de contes de Fées, qui reprennent l'idéal aristocratique d'une
vie de château dans les années 1690 donne une place qui est peut-être inusitée aux femmes
(d'Aulnoy) dans l'écriture et la diffusion. Elle inclut l'enfant comme lecteur important. Livre
de châteaux ou de voyages initiatiques, ce fond originel n'a cessé de réinspirer les auteurs de
W. Scott jusqu'aux jeux multimédia contemporains.
Pour identifier le corpus à relire, il faut procéder à un choix fondé sur deux critères:
* Premier critère, le succès et d'influence, à la fois objectif (vente, durée) mais aussi
subjectif et générationnel. Ce qui interesse ici, c'est ce qu'ont pu lire ceux qui ont participé à
l'extension du périurbain, en le choisissant, en le fabriquant. Ceux même qui y ont grandi,
apparemment à l'écart de tout château. Tintin, Babar et la comtesse de Ségur avec le petit
prince, Martine et Jules Verne sont sans doute les ouvrages pour enfant les plus connus pour
les générations aujourd'hui adultes. Ils semblent faire partie d'un bagage culturel commun.
Pagnol, ressorti en film avec succès, est peut-être moins lu, mais il apporte un éclairage plus
incarné et mieux maîtrisé sur cette question, et il a de plus largement été diffusé comme livre
d'école...
* Second critère, le lien exprimé ou sensible de l'œuvre avec le mode de vie
aristocratique. Bien des lectures enfantines répandues (Cooper, Curwood, P J Bozon des Six
compagnons, Pif le chien...) n'ont pas à voir directement avec ce modèle.
Cependant, de nombreux les auteurs de la litérature enfantine française peuvent se relier,
directement ou non, au mode de vie aristocratique: Hergé, nous l'avons vu, mais aussi, Dumas,
Saint Exupéry, De Brunhoff, Ségur, bien entendu, (ou encore Saint Ogan)... Leurs héros, le
font à défaut d'eux-mêmes, même pour les plus éloignés de la vie de château: Martine, par
exemple, où aucun château n'apparaît, est construite sur le modèle de la double résidence
(vacances...). Bécassine, dont la richesse décourage dans ce format de travail, E. P. Jacobs,
issu du studio Hergé sans doute également en partie. Romans scouts (comme ceux du
talentueux mais contesté S Dallens) policiers (Arsène Lupin, bien entendu), trouveraient leurs
place dans cette contribution à identifier un modèle de vie aristocratique et de lieu de vie idéal
autour du refuge du château (L'aiguille creuse ou le remarquable mais moins connu Dorothée
danseuse de corde). Saint Exupéry participe à l'évidence d'une vision aristocratique d'un mode
de vie fondé sur la mission, le mouvement, et sa planète tient bien aussi du modèle du
château, de l'archipel. L'on retrouve chez H. Malot, et le Jules Verne du Château des
Carpathes, ou chez l'utopiste des Cinq cent millions de la Begum bien des aspects de ce
modèle (en particulier pour ce qui est du mouvement, du déplacement, des véhicules).
Certains aspects de Sissi, autrichienne, C Quine américaine des Alice, et surtout de l'anglaise
E Blyton, voire du très important Tolkien, pourraient être étudiés, sans forcer l'hypothèse,
mais rester pour le moment dans un cadre franco-belge simplifie le propos. On reviendra sur
l'influence américaine par ailleurs.
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