Plan Urbain Lettre de commande n°09 Emmanuel Eveno Au début ...
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Les contre utopies <strong>de</strong> G. Rémi, jeune homme sous influence.<br />
George Rémi, dit Hergé naît en 1907, fils d'un <strong>de</strong>s jumeaux illégitimes d'une femme <strong>de</strong><br />
chambre <strong>de</strong> bonne maison, qu'un ouvrier typographe, Rémi, a épousé par convenance. Il<br />
intègre, sur la volonté du patron <strong>de</strong> son père la troupe scoute catholique du collège Saint<br />
Boniface et connaît, avec son frère (puis avec le futur explorateur Tazieff), l'espace étroit <strong>de</strong>s<br />
faubourgs <strong>de</strong> la petite bourgeoisie bruxelloise, celle <strong>de</strong> Quick et Flupke. Les scouts, c'est l'air<br />
<strong>de</strong>s Pyrénées, <strong>de</strong> l'Italie. Sur les murs <strong>de</strong> la chambre, affiches publicitaires <strong>de</strong> voitures. Rêve<br />
d'Amérique. Cow Boys, indiens, surtout, si proches <strong>de</strong>s boys scouts. Rêve d'aventures, lit les<br />
cinq sous <strong>de</strong> Lavarè<strong>de</strong>, Dumas, et <strong>de</strong> multiples aventures d'enfants héroïques (dont un Tintin)<br />
pendant la guerre <strong>de</strong> 14/18. Il va au cinéma voir les Charlot et les films à suspens. Il signe <strong>de</strong><br />
ses initiales <strong>de</strong>venues Hergé, <strong>de</strong>s illustrations puis une aventure <strong>de</strong> Totor, CP <strong>de</strong>s hannetons<br />
dans la revue du boy scout Belge (1926/28).<br />
L'abbé N. Wallez, dynamique admirateur <strong>de</strong> Mussolini, directeur du XXème siècle, journal<br />
nationaliste, catholique et mo<strong>de</strong>rniste, remarque vite ce garçon et le charge d'un supplément<br />
pour enfants, "le petit vingtième". Hergé illustre d'abord <strong>de</strong>ux contes déprimant <strong>de</strong> sottise et<br />
<strong>de</strong> racisme, avant <strong>de</strong> lancer, sous la direction <strong>de</strong> l'abbé, un reporter dans une croisa<strong>de</strong><br />
antibolcheviste, pour "instruire en amusant" ses jeunes lecteurs. Sous la direction <strong>de</strong> l'abbé,<br />
inspiré par <strong>de</strong>s lectures (d'un consul belge, <strong>de</strong> Duhamel ou du Crapouillot), Hergé trace trois<br />
contre-utopies : l'URSS communiste, expropriant les paysans légitimes, la sauvagerie sans<br />
dieu <strong>de</strong>s sorciers et rois nègres abusant les naïfs noirs, et l'Amérique capitaliste, expropriant<br />
les Indiens : trois mon<strong>de</strong>s dirigés par <strong>de</strong>s bandits en leurs repères (bandit d'états, clan<strong>de</strong>stins à<br />
la sol<strong>de</strong> <strong>de</strong>s américains, ou Al Capone du syndicat du crime, qui fonctionne "by appointment<br />
to presi<strong>de</strong>nt of USA"). L'idéologie antiurbaine, missionnaire et anticommuniste classique dans<br />
les milieux catholiques s'y exprime, (racisme, embouteillage, dépravation), même si la<br />
fascination pour les USA du jeune Rémi masque un peu le message.<br />
Le projet (l'utopie ?) d'une "troisième voie" apparaît donc en miroir dans les premiers travaux<br />
d'Hergé. Refus du capitalisme et du socialisme, refus <strong>de</strong> la démocratie et <strong>de</strong> la tyrannie, du<br />
communisme, <strong>de</strong> la ploutocratie. Le mon<strong>de</strong> est le théâtre d'une lutte entre le bien et le mal. Le<br />
mal est localisé, contre modèle, voire contre utopie : complot, gang, repère, lieu<br />
d'enfermement <strong>de</strong> torture souterrain à Chicago, comme au Congo, comme à Moscou. Mais où<br />
est le bien ? Quel est le mon<strong>de</strong> idéal ? Est-ce tout à fait la voie <strong>de</strong> la mission coloniale qui<br />
enseigne aux africains qu'ils sont <strong>de</strong>s Belges ? Dans l'esprit <strong>de</strong> l'abbé, sans doute, mais Hergé,<br />
presque ironique, est moins enthousiaste. La troupe <strong>de</strong> Totor, qui le fête ? La foule qui<br />
accompagne Tintin au journal à chaque retour d'aventure ?<br />
Le jeune Rémi ne maîtrise ni graphisme, ni récit, et laisse entrevoir <strong>de</strong>s tensions. Le journal<br />
(père idéal) envoie Tintin au pays <strong>de</strong> mission. L'idéal du voyage, du croisé, petit homme.<br />
Chevalier du bien, il y détruit le repère du mal, y reçoit le triomphe <strong>de</strong> la foule (<strong>de</strong>s réceptions<br />
gigantesques sont organisées avec <strong>de</strong>s figurants et journalistes aux retours <strong>de</strong> Tintin.) Le but<br />
est d'édifier la jeunesse du royaume dans le combat politique qui oppose les laïcs aux<br />
catholiques. Or, le héros chrétien est mo<strong>de</strong>ste. Le surhomme triomphe par la gloire. Comment<br />
associer la quête <strong>de</strong> gloire et celle d'humilité ? Le respect <strong>de</strong> l'ordre établi et le ridicule <strong>de</strong>s<br />
polices et <strong>de</strong> la polis ? Enfin, le respect humain et la haine du méchant (voire le colonialisme<br />
et ses présupposés racistes et l'ai<strong>de</strong> au faible, l'Indien, le Chinois ?) Ces tensions sont<br />
évi<strong>de</strong>ntes dans les Cigares du pharaon. Commerces, trafics dans une pyrami<strong>de</strong> qui semblait un<br />
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