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Plan Urbain Lettre de commande n°09 Emmanuel Eveno Au début ...

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Les approches scientifiques <strong>de</strong> l’utopie se scin<strong>de</strong>nt ainsi en <strong>de</strong>ux groupes, selon que l’on<br />

s’attache au modèle fondateur du genre ou selon que l’on s’intéresse à son champ <strong>de</strong><br />

dispersion, à sa postérité. Le premier groupe réuni les auteurs qui s’attachent à définir l’utopie<br />

en faisant un recensement <strong>de</strong> ses caractères génériques, <strong>de</strong> ses éléments constitutifs ; le second<br />

est celui <strong>de</strong>s auteurs qui travaillent non pas sur l’i<strong>de</strong>ntification <strong>de</strong> tous ces caractères ou<br />

éléments mais sur le fonctionnement d’un petit groupe d’entre eux,. Les premiers s’intéressent<br />

au centre théorique du discours utopique tandis que les second s’intéresse au péri-centre voire<br />

à la périphérie, au risque <strong>de</strong> l’abâtardissement du genre.<br />

Dans le premier cas, la définition <strong>de</strong> l’utopie est très restrictive tandis que dans l’autre, elle est<br />

non seulement plus vaste mais aussi beaucoup moins « définitive ». On pourrait admettre que<br />

le premier groupe est celui <strong>de</strong>s spécialistes <strong>de</strong> l’utopie tandis que le second serait celui <strong>de</strong>s<br />

chercheurs qui s’intéressent aux « pratiques signifiantes utopiques ».<br />

L’une <strong>de</strong>s définitions les plus systématiques qui existe <strong>de</strong> l’Utopie reste celle proposée par<br />

Françoise Choay, dans son ouvrage « La règle et le modèle ». Travaillant sur <strong>de</strong>ux textes<br />

inauguraux ou fondateurs, le De re aedificatoria <strong>de</strong> Léon Baptiste Alberti (présenté au pape<br />

Nicolas V en 1452) et l’Utopie <strong>de</strong> Thomas More, elle i<strong>de</strong>ntifie, pour caractériser l’Utopie, sept<br />

« traits discriminatoires » : « [1] une utopie est un livre signé ; [2] un sujet s’y exprime à la<br />

première personne du singulier, l’auteur lui-même et/ou son porte parole, visiteur et témoin <strong>de</strong><br />

l’utopie ; [3] elle se présente sous la forme d’un récit dans lequel est insérée, au présent <strong>de</strong><br />

l’indicatif, la <strong>de</strong>scription d’une société modèle ; [4] cette société modèle s’oppose à une<br />

société historique réelle, dont la critique est indissociable <strong>de</strong> la <strong>de</strong>scription-élaboration <strong>de</strong> la<br />

première ; [5] la société modèle a pour support un espace modèle qui en est partie intégrante<br />

et nécessaire ; [6] la société modèle est située hors <strong>de</strong> notre système <strong>de</strong> coordonnées spatiotemporelles,<br />

ailleurs ; [7] elle échappe à l’emprise <strong>de</strong> la durée et du changement. » 4.<br />

L’analyse comparée <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux textes d’Alberti et <strong>de</strong> More permet à Françoise Choay <strong>de</strong> les<br />

définir l’un et l’autre comme <strong>de</strong>s textes « inauguraux » mais, tandis que l’un (celui d’Alberti),<br />

se construit en énonçant <strong>de</strong>s règles, l’Utopie <strong>de</strong> More apparaît comme instaurant un modèle.<br />

Si l’on tient donc le texte <strong>de</strong> More comme un « modèle inaugural », on peut admettre en effet<br />

que l’analyse détaillée <strong>de</strong> sa construction littéraire fournisse l’ensemble <strong>de</strong>s caractères<br />

génériques ou « canons » sur lesquels se soient appuyées les utopies légitimes. Dès lors,<br />

pourquoi Françoise Choay, dans le <strong>de</strong>uxième « trait discriminatoire » introduit-elle un doute<br />

sur le choix du narrateur, entre «l’auteur lui-même et/ou son porte parole, visiteur et témoin <strong>de</strong><br />

l’utopie » ?, doute que ne permet pas le texte fondateur puisque le choix consiste à mettre en<br />

relation l’auteur du livre (Thomas More) recueillant le témoignage d’un visiteur (le navigateur<br />

Raphaël Hytlodée)? Il y a là une ambiguïté dans la formulation <strong>de</strong> Françoise Choay, qui se<br />

double par l’ambiguïté du mot « auteur », et par la référence à l’usage <strong>de</strong> la première personne<br />

su singulier dans la narration. L’auteur peut être compris comme celui qui écrit sur l’Utopie,<br />

ou celui qui relate son expérience <strong>de</strong> l’Utopie. C’est ce que Louis Marin appelle le « double<br />

je ». Dans l’ouvrage <strong>de</strong> More, il semble qu’il y ait <strong>de</strong>ux auteurs, un auteur littéraire, More luimême,<br />

et un auteur <strong>de</strong> fiction qui est auteur par le fait du récit tandis que More le serait par le<br />

fait <strong>de</strong> la transcription.<br />

4 Françoise Choay, La règle et le modèle, Sur la théorie <strong>de</strong> l’architecture et <strong>de</strong> l’urbanisme, Ed. du Seuil,<br />

nouvelle édition 1996., pp. 51-52.<br />

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