Plan Urbain Lettre de commande n°09 Emmanuel Eveno Au début ...

Qu'en retient le lecteur devenu adulte ? Peut-être une étrange boucle, incorporée comme
habitus : le travail d'adulte est de préparer activement pour la génération qui suit, un lieu idéal.
Cet idéal est celui qu'on lui avait fait rêver, enfant. S'apercevoir ensuite, mais un peu tard, que
le monde ne se prête pas au jeu. L'embellir alors pour rassurer ses enfants. Qui à leur tour se
devront de vérifier l'hypothèse et puis de la modifier.
Celle là nous disait que si l'on est bien sage, malgré la dureté des temps la providence
restaurera le temps des châteaux, dont les contes de fée ou de Perrault assuraient que les
princes se mariaient et avaient beaucoup d'enfant, avant qu'on leur coupe la tête ; celui-ci,
cherche à rassurer, en montrant comment le bonheur peut s'étendre à tous, en assurant que la
maladie et le mal sont apprivoisés par le bien ou la fantaisie, ce qui n'est ni tout à fait faux, ni
pourtant capable d'empécher Jean de Brunhoff de mourir. Alors son fils de reprendre,
d'interroger à son tour...
En face, d'autres dialoguent avec ce modèle. Leur littérature enfantine est celle du vainqueur,
du dominant : le père de Marcel raconte le monde avec les livres de la classe. Ne pas oublier
que Jules Verne écrit avant l'école publique laïque et obligatoire, en quelque sorte pour
compléter l'école du second empire. Contre culture ? Quelle est la place de l'école pour Babar,
Camille, Sophie, Tintin, Superman, Marcel même, Huckelberry Finn ? En dehors des
feuilletons de la petite maison dans la prairie qui extrapolent en cela de la série des livres de
Laura Ingells (il est vrai future enseignante), ou de la série des Benett ou du petit Nicolas, tous
deux corrosifs pour le système, le monde de la littérature enfantine joue les vacances et
l'éducation domestique pour compléter (ou combattre) celle de l'état des choses instituées. Là
encore le lien est étroit avec les utopies, car cette rupture avec l'état des choses permettrait
d'assurer une continuité à des aspects ou des valeurs refoulées de l'explicite, du socialement
admis, du politiquement correct, de faire le saut d'une ou plusieurs générations ?
S'interroger sur Super Mario. Simcity. Tombraider II. Sur le "gore" et la peur des séries à
succès "chair de poule". Accomplir la mission, progresser, étage après niveau conquérir le
château et ses mondes par les armes les trésors et la rapidité en devinant les règles non
explicites de l'univers machine contre des monstres ou des adversaires que l'on peut
pulvériser. Que disent aujourd'hui, les jeux de rôle, exploratoires, initiatiques, destructeurs ?
Quelle utopie ou contre utopie sommes-nous en train de transmettre ? Que nous disent ces
supports, en contrepoint, sur le système officiel ? Quel espace se prépare en ces mondes
virtuels ? Sur quel substrat ? Un autre voyage, à travers cette utopie :
La place de l'enfance.
Subjectivité de tout ce qui touche à l'enfance, peut-être faut il ici prendre le risque d'inviter le
lecteur à examiner si il ou elle n'a pas un lien plus personnel qu'on ne le pense avec ce modèle.
Ainsi, l'auteur de ces lignes, né en 1965, dans la banlieue de Paris, d'une famille d'enseignants
cathos de gauche, avec des grands-parents vignerons ou maçons, ayant toujours vécu et
enseigné en banlieue, ne semble guère relié à l'aristocratie. Pourtant, le grand-père maternel et
la grand-mère paternelle, aux deux bouts de la France ont utilisé un même modèle d'ascension
sociale pour leurs enfants : l'éducation laïque doublée d'une initiation catholique directement
inspirée par la fréquentation au début du siècle des "fils" du château de Sommières, des
Maristes de Thionville ou du château de Sierck ou de Mondorf... Est-ce un cas particulier ?
Ou sous estime-t-on l'influence directe de ces châteaux "historiques" jusque dans les années
trente, sur plusieurs générations de toutes origines sociales, par le biais de placement comme
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