On a volé le Big Bang - Margelle

Le passage
Il parvint au Pays Vert et visita les glaciers d’antan. Le monde
aurait dû rester ainsi, pensa-t-il. Couloirs de glace, sculptures
défiant l’imaginaire, orgues pour le vent qui passe et chutes dans
une eau pâle, verte et glacée. Dans peu de jours il s’éloignerait de
la pureté des origines, il entrerait dans le graillon du monde, dans
la totale puanteur de la civilisation. Les glaciers abritaient des
labyrinthes et d’autres énigmes hantaient les labyrinthes. Il aurait
pu s’y perdre ou chuter dans une cheminée de glace avant de se
déchirer sur d’indifférents rasoirs bleus, givre et transparence.
mais quelqu’un le guidait, il se savait invulnérable. Il marchait
dans l’étroit sentier des Justes. Demain je verrai cette surface
de métal en fusion qu’est la mer du Labrador au coucher du
soleil. Puis ce sera le Canada, Québec, montréal, le passage et je
m’attarderai à Syracuse. Je trouve ça drôle de forger à la Nouvelle
Syracuse le détonateur de l’arme. J’étais si proche d’elle, il y a
peu de temps, l’ancienne et mythique cité des Corinthiens.
De milan la souillée à rome le temps n’aura été pour moi
qu’un vague tunnel de lumières floues. un prêtre sans visage m’a
donné le nom d’une auberge proche de l’ancien trastevere. Je
me suis approché de la Ville de Pierre et j’ai deviné l’existence
d’une étrange forteresse au bout de la grande place bordée de
colonnades. La foi venue des déserts s’est appauvrie en ces
lieux, je devine quelques feux intenses dissimulés dans les fastes
de la cité. Ça ne me concerne guère car j’ai reçu, via Veneto,
des mains d’une femme provocante, la valise usée qui contient
l’arme. Cette nuit-là j’ai été agressé par trois hommes, près de
mon auberge, avec une extrême violence. Des jeunes, les yeux
vides. Ils voulaient la valise. Je suis instruit de ne rien faire contre
ce genre de violence, ils ne sauraient pas utiliser son contenu.
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