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vecteurs de la misère sexuel<strong>le</strong> ambiante. même <strong>le</strong>s sex shops<br />
manquaient d’originalité, c’était en vérité un lieu très profond, il<br />
aurait suffi de gratter légèrement ces apparences pour déboucher<br />
sur <strong>le</strong> vide américain, rouge et b<strong>le</strong>u comme <strong>le</strong>s enseignes, gris et<br />
vert comme l’enfer et <strong>le</strong> tha<strong>le</strong>r.<br />
Le tenancier au front graisseux et dégarni avait tenté de nous<br />
escroquer quelques dollars de plus, Oriane lui en avait balancé<br />
une épaisse coupure de cent avec son sourire froid, rare.<br />
L’expression de surprise, de méfiance, de cupidité, de jouissance et<br />
d’agressivité (par ordre d’entrée en scène) fut quelque chose que,<br />
même dans <strong>le</strong>s pires moments de ce foutu bouquin, je n’oserais<br />
jamais vous raconter. Évidemment, quelques instants plus tard,<br />
la cava<strong>le</strong>rie avait débarqué. Les méchants. Pour la première fois<br />
je vis Oriane s’agacer imperceptib<strong>le</strong>ment. el<strong>le</strong> qui avait voulu<br />
ce manque de fastes et d’orgueil, el<strong>le</strong> qui avait voulu une étab<strong>le</strong><br />
dans la Bethléem américaine n’appréciait pas ces rois mages.<br />
el<strong>le</strong> tint à <strong>le</strong>s traiter comme <strong>le</strong>s vacanciers imbéci<strong>le</strong>s traitent<br />
parfois <strong>le</strong>s poulpes. Sans effort apparent el<strong>le</strong> <strong>le</strong>s retourna et <strong>le</strong>ur<br />
mit <strong>le</strong>s organes à l’air. Pour qu’apparaissent dans la pénombre<br />
du couloir <strong>le</strong>s luisances de <strong>le</strong>urs organes anciennement internes,<br />
foies, cœurs, tripes, réseaux comp<strong>le</strong>xes de nerfs et de musc<strong>le</strong>s et<br />
<strong>le</strong>s courants qui <strong>le</strong>s parcourent. une furieuse mer de souffrance<br />
se mit à battre avec <strong>le</strong>nteur. À quelques pas <strong>le</strong> tenancier figé<br />
tremblait, il ne lui restait pas assez de jambes pour courir. Oriane<br />
s’approcha de lui, marchant comme el<strong>le</strong> <strong>le</strong> faisait dans <strong>le</strong>s défilés<br />
d’anthelme. el<strong>le</strong> posa doucement son doigt sur <strong>le</strong> front graisseux<br />
qui sécha instantanément et fit « ttt… » d’une bouche boudeuse.<br />
avec l’ombre d’un sourire el<strong>le</strong> ajouta : « Fallait pas ! » Clémente,<br />
el<strong>le</strong> <strong>le</strong> laissa s’enfuir dans la rue. Les pieds en feu.<br />
– Ils ont connu l’enfer, rêva-t-el<strong>le</strong> à haute voix, comme si je<br />
n’étais pas là. mais fut-ce pire que <strong>le</strong>ur vie d’avant ? el<strong>le</strong> se<br />
détendit, des cendres tombèrent, <strong>le</strong> si<strong>le</strong>nce des âmes revint. el<strong>le</strong><br />
me regarda :<br />
– Le bruit et la fureur, comme je comprends ça ! mais il va<br />
être temps de se synchroniser, dit-el<strong>le</strong> prise d’un fou rire subit,<br />
je pourrai peut-être découvrir <strong>le</strong> sens du mot nerveuse… ou<br />
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