On a volé le Big Bang - Margelle

d’homme… pardon, ce saint homme original montre aux Français
et au monde que la femme est une valeur plus stable que le foot,
ce qui était impensable, il exprime la compassion dans « Pauvres
chéries » et terrasse la psychana lyse dans « Je ne veux pas
mourir idiot » ; nous passons le cap de l’angoisse existentielle et
métaphysique avec « C’est pas normal » et, haut fait, il vient de
résister récemment aux acidités d’un journaliste de la tévé suisse
qui le traite de pornographe.
– C’est fort, reconnut Pierre, très fort. On m’a laissé entendre que
beaucoup d’anciens de ma garde helvète se sont reconvertis dans la
presse et la télévision ultramontaines.
– Bref, Sainteté, dans cet univers de bites droites et tordues,
de filles insaisissables et qui courent tout au long d’un album
sans jamais se reposer, de jambes irrésistibles, de femmes
qui deviennent soudain féroces – il dessine à merveille les
sourires dentés – la lumière s’est enfin faite et il a réussi ce
que l’Inquisition avait totalement raté : ouvrir les volets, aérer
les phantasmes, montrer les voies de l’amour et – mais c’est je
l’avoue un bien grand luxe – faire rire le monde entier, faire rire
avec des matériaux que tout le monde possède. J’ajouterai pour
terminer deux choses et seulement deux.
Laura s’était insensiblement rapprochée et ne perdait pas une
miette de mon discours. Je vis ses yeux dilatés, je perçus son souffle
haletant, j’avais dû toucher un point sensible.
– Que Notre cher fils conclue, dit mon Père.
– L’une étant qu’il connaît l’art ancien que Votre Sainte Église
a prohibé : l’icône.
– en effet, dit le pape, nous avons proscrit les images.
– eh bien ce Wolinski connaît l’art de créer une tentatrice avec
seulement quelques traits. J’ai vu Picasso dessiner un poisson,
l’enfermer dans un coq puis en faire un chat. C’était magique
mais Wolinski, lui, en quelques gestes brefs peut faire rêver la
foule. C’est un art redoutable.
– Le Saint Père me regardait avec des yeux durs comme de la
roche volcanique.
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