Télécharger/lire ce livre au format pdf - Entrechaux

XvIII discours préliminaire.
XIX
sept sols et demi à un soldat qui lui sauva la vie.
Tels étaient les exploits brillants des huguenots :
l’histoire des empires ne fait mention de rien de
semblable de citoyens contre des citoyens, et -il
était réservé à la secte de Calvin de produire du
nouveau en ce genre.
C’est-là cependant, encore une fois, ce qu’on
pourra se représenter quand on les verra pénétrer
quelque part pendant tout le temps qu’ils
ont infesté ces contrées. On peut même dire que
quoiqu’il n’y ait aucune province de France qu’ils
n’aient ravagé, il ne se passa nulle part des scènes
plus tragiques que dans celle-ci. les catholiques
avaient beau, surtout dans les commencements,
user de modération envers eux, leur renvoyer les
prisonniers sans rançon pour leur donner bon
exemple, ils n’en étaient pas moins inhumains
envers les nôtres; souvent ils les faisaient écorcher
vifs, ou les étranglaient; faisaient mourir
les uns à petit feu, faisaient précipiter les autres
de fort haut pour le seul plaisir de les voir écraser
dans la chute, et ne donnaient la sépulture à
aucun. Trois villes seulement, et encore moins
de villages furent préservés de leur fureur: tout
le reste, villes, bourgs, châteaux et campagnes,
fut leur proie dans des invasions réitérées. En
supputant le nombre des morts durant le cours
de ces guerres, on trouve qu’il excède celui de
90000 du côté des catholiques : il y en eut da-
vantage du côté des ennemis; ainsi on peut dire
que leurs hostilités ont fait périr dans ces cantons
environ 200000 hommes. la famine était
inévitable dans ces circonstances ; les campagnes
n’étaient pas cultivées, parce qu’elles n’étaient
jamais en sûreté ; et de plus les travailleurs employés
dans les troupes, faisaient le gros des morts
dans les actions. la peste, qui aggravait quelquefois
les calamités, finissait le tableau d’une province
désolée.
Ce serait pour elle un trait bien glorieux si on
pouvait dire en toute vérité que les hérétiques
n’y trouvèrent nulle part des déserteurs de la
foi, ni ne purent réussir à faire des perversions.
Mais il y avait trop longtemps que leurs émissaires
s’y étaient glissés et n’avaient que trop
réussi dans l’exécution des projets qui les avaient
amenés, par des voies sourdes et ténébreuses.
Il se trouva même parmi les apostats quelques
ecclésiastiques, du nombre desquels étaient des
curés, dont l’exemple avait entraîné une partie du
peuple. Ces défections opérèrent dans quelques
lieux des révolutions générales. les infidèles, qui
avaient grand soin de déguiser leurs sentiments
tant qu’ils se voyaient les plus faibles et sans appui,
levaient le masque aux approches des troupes
calvinistes avec lesquelles ils entretenaient des
correspondances : ils leur ouvraient les portes et
leur livraient leur patrie et leurs frères ; car c’é-