18. exTraIT de La CharTe graPhIque du MusÉe du quaI BranLy 48 LA CHUPICUARO ET L’ASTÉRISQUE « la sculpture de chupicuaro (VIIe-IIe siècle avant j.c, mexique) – première acquisition du musée du quai branly – a été proposée comme emblème du musée. on la retrouve campée sur ses jambes comme élément déterminant de reconnaissance. La création de l’identité du musée réside dans une double association du signe typographique astérisque avec le nom du musée et avec une oeuvre. par ce jeu d’allers-retours entre l’image et les mots, l’astérisque remplit pleinement sa fonction : l’explication de l’origine et de l’usage. le dessin brut et irrégulier du signe se lit comme une silhouette d’homme (la tête et les quatre membres dans leur plus simple expression). sa structure en étoile illustre la dimension artistique (les cinq doigts de la main) et géographique de la collection (afrique, asie, océanie et les deux amériques) tout en évoquant les cinq missions du musée (collections, expositions, manifestations, recherche et enseignement).» 19. ChurInga : orIgIne du TeMPs du rêVe Chez Les aBorIgènes Churinga est le nom donné par les Aborigènes à certains objets sacrés et extrêmement secrets, porteurs, recto verso, des motifs claniques. Ce sont des objets gravés, de formes variées, plates, arrondies ou ovales, en bois ou en pierre. Leur importance est considérable dans les cérémonies telles que l’initiation des jeunes hommes. Objet mystèrieux entre tous, le churinga est véritablement une matérialisation de l’esprit ancestral. A ce titre il est considéré comme dangereux. Le voir et le manipuler est réservé <strong>au</strong>x hommes pleinement initiés des clans dont le rôle est le dialogue avec le Tjukurpa, l’espace temps sacré, celui d’avant la naissance et d’après la mort, que nous nommons «Temps du Rêve». si ces images proviennent du temps du rêve, comment surgissent-elles dans la pierre ou le bois ? Selon les Aborigènes, un churinga est produit spontanément lorsque l’esprit ancestral vient s’incarner dans le corps de l’enfant à naître, c’est à dire lorsque la future mère ressent les premières manifestations de sa grossesse. L’objet n’est pas immédiatement accessible, il s’agira, pour le père, aidé des aînés de sa famille de le rechercher. Les indications fournies par la mère, notamment le lieu où elle a ressenti sa grossesse pour la première fois, permettront d’identifier l’esprit ancestral et guideront les recherches. On peut supposer qu’un grand-père connaissant l’emplacement d’un churinga ayant appartenu à une personne décédée, aidera à dénicher l’objet. Parfois le churinga est trouvé, parfois non. Dans ce dernier cas, les hommes en fabriquent un nouve<strong>au</strong> qu’ils gravent des motifs claniques de l’enfant, c’est à dire les motifs attachés à son esprit ancestral (par exemple opossum, grenouille, kangourou ou <strong>au</strong>tre... ) Quoi qu’il en soit, chaque Aborigène possède son churinga caché dans quelque grotte ou anfractuosité et que l’on ne sort que pour les cérémonies importantes. Les churingas des femmes sont gérés par les hommes initiés, elles en connaissent l’existence mais ne les voient pas. Les motifs leurs sont communiqués sous forme de peintures de corps ou de sol, lors de leur initiation. La peinture des hommes du désert, dans une large proportion, se réfère <strong>au</strong>x histoires Tingari. Le Tingari est un cycle mythique de très grande importance dans le désert de l’ouest. Il relate les péripéties de héros voyageurs, hommes, femmes et novices, ancêtres créateurs du paysage, initiateurs de cérémonies et inventeurs de la Loi qui régit, <strong>au</strong>jourd’hui encore, les sociétés indigènes d’Australie. Ces histoires, secrètes entre toutes, sont révélées <strong>au</strong>x jeunes hommes en toute fin du cycle initiatique. Celui-ci se déroule par tranches à partir de 10 ou 12 ans et se poursuit jusqu’à l’age d’homme. Il est particulièrement éprouvant pour le garçon. C’est un aller-retour symbolique par le monde des Esprits. L’isolement, le sang, la peur, les pratiques extrêmement douloureuses comme la scarification ou la subincision, en font partie. C’est pourquoi les mythes Tingari sont frappés du secret absolu et la peinture qui s’y réfère est généralement sans commentaire de la part du peintre. Revenu de ce détour dans l’<strong>au</strong>-delà, l’homme pleinement initié <strong>au</strong>ra appris quel esprit ancestral l’anime et donne <strong>sens</strong> à son existence, il s<strong>au</strong>ra endiguer ses pulsions pour que la vie en société soit possible, il <strong>au</strong>ra reçu, sous forme de vers chantés, l’épisode du mythe lié <strong>au</strong> segment de territoire qu’il lui incombe de célébrer, son corps <strong>au</strong>ra été peint des motifs afférents, ceux-là même qu’il pourra décliner sur la toile s’il devient artiste. Il pourra <strong>au</strong>ssi participer <strong>au</strong>x très secrètes cérémonies masculines de fécondité et ainsi assumer sa part symbolique de paternité <strong>au</strong> sein de son clan.
20. Le TeMPs du rêVe Chez Les aBorIgènes 49