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La Déesse de Grattavache - Margelle

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- Tu crois que je vais te laisser grossir comme ça ? Tu es fou, nous formons<br />

un couple vraiment fantastique, toi avec tes désirs et moi qui les écrase joyeusement<br />

sous mes pieds !<br />

- Mets donc <strong>de</strong>s talons aiguilles, la suppliai-je, je souffrirai moins longtemps.<br />

Elle éclata <strong>de</strong> rire, bougea <strong>de</strong> tout son corps. Dieu ! Quelle machine incroyable.<br />

J’aurais bien donné cent sous pour en être le propriétaire, ou dix francs,<br />

ou ce que vous voulez ; je suis aussi con que Faustus mais j’ai plus d’humour.<br />

Cela dit, si ce souhait se réalisait, si je <strong>de</strong>venais le maître <strong>de</strong> cette machine à<br />

jouir <strong>de</strong>bout, couché, en l’air, en surf, au Kremlin, à bord <strong>de</strong> l’USS Enterprise,<br />

n’importe comment et n’importe où, je connaissais l’effroyable conclusion. Si je<br />

la tenais sous ma coupe, je n’aurais plus envie d’elle. À tout prendre je préférais<br />

encore qu’elle me fasse ainsi souffrir et lui parler du Virus. Je m’y lançai, dans<br />

le genre rogneux.<br />

- Il y a une chose que tu ne dois jamais perdre <strong>de</strong> vue, énorme salope, éructai-je.<br />

C’est la loi <strong>de</strong> la Vie-Qui-Est-<strong>La</strong>-Jungle.<br />

Je vis son pied bouger à nouveau, ça l’intéressait et je ne bandai pas. Bien ! Je<br />

lui balançai le co<strong>de</strong> <strong>de</strong> base du système.<br />

- <strong>La</strong> vie, <strong>de</strong> nos jours, se résume à ça : Trouver l’argent. Sinon c’est lui qui nous<br />

trouve. C’est la loi <strong>de</strong> notre société. On appelle ça le système. C’est impitoyable,<br />

mortel, chiant, dégueulasse et fatal. Ils sont tous dans le système, moi aussi. Centremont<br />

fut une forteresse soli<strong>de</strong> et tranquille durant <strong>de</strong> longues années. Mais la<br />

loi <strong>de</strong>vait fatalement s’appliquer. Comme les familles qui vivaient là prenaient<br />

<strong>de</strong> l’âge, c’était essentiellement <strong>de</strong>s dames <strong>de</strong> bonne bourgeoisie, je me mis à<br />

apparaître <strong>de</strong>vant les intervenants extérieurs.<br />

- Tu gérais tout ça ? s’extasia-t-elle ?<br />

- Ça va pas le chalet ? 1 Tout le mon<strong>de</strong> à Genève fait appel à <strong>de</strong>s régisseurs. Ou<br />

faisait.<br />

- Que font-ils ? Ils allument les projos le soir ? Clament les noms <strong>de</strong>s personnalités<br />

entrantes ? Tiennent la chan<strong>de</strong>lle et surveillent les cuisines ?<br />

- Ce ne sont que <strong>de</strong>s boutiquiers, pas <strong>de</strong>s hérauts. Mais certains ont eu plus<br />

<strong>de</strong> panache que d’autres. Je me souviens que, dans mon comité <strong>de</strong> concerts,<br />

j’avais un nommé Henri Brolliet et je l’aimais bien. Lui, probablement d’origine<br />

simple, fréquentait par <strong>de</strong>voir ou affinité, je n’en sais rien, les milieux chics <strong>de</strong> la<br />

cité. Il y avait autour <strong>de</strong> nous Jean Lullin le vieux, qui aimait les ballets en bleu,<br />

1 Je venais d’apprendre cette merveilleuse expression fribourgovalaisanne <strong>de</strong> la gran<strong>de</strong> Anne<br />

Élisabeth qui est encore dans le futur <strong>de</strong> ce récit<br />

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