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La Déesse de Grattavache - Margelle

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t’empêcher <strong>de</strong> ban<strong>de</strong>r <strong>de</strong>vant moi.” Et aussi “nous formons un couple vraiment<br />

fantastique, toi avec tes désirs et moi qui les écrase joyeusement !” tout<br />

ça me revenait. Ça cascadait dans ma tête animée <strong>de</strong> pulsations douloureuses.<br />

Ne l’avais-je pas intuitivement qualifiée <strong>de</strong> serpentine ? Et ma première vision<br />

enthousiaste : “Elle avait toutes les caractéristiques <strong>de</strong> la salope mo<strong>de</strong>rne. Belle,<br />

jeune, experte en fétiches, le style américain, arrogante, provocante, sachant<br />

par innéité la manière absolue d’ignorer le mâle, celle qui le fait courir à triple<br />

vitesse, elle était un pur produit <strong>de</strong> notre époque avec en plus, une personnalité et<br />

<strong>de</strong>s bibliothèques que je rêvais <strong>de</strong> feuilleter”. Cette envie venait <strong>de</strong> me passer.<br />

Je me retrouvai <strong>de</strong>vant l’horreur <strong>de</strong> la fille serpent et c’était la plus brûlante <strong>de</strong><br />

mes bibliothèques qu’elle exigeait.<br />

Je me suis <strong>de</strong>mandé si nous portions tous <strong>de</strong>s monstres en nous, <strong>de</strong> la pure<br />

lai<strong>de</strong>ur, <strong>de</strong> l’abomination. Que m’était-il arrivé, à moi l’enfant blond ? Le brave<br />

torse, à moi Jacques le Généreux ? Qu’étaient les femmes <strong>de</strong> ma vie <strong>de</strong>venues ?<br />

Celles qui m’avaient construit ? Je n’eus guère le temps <strong>de</strong> réfléchir car elle<br />

frappa. <strong>La</strong> serpente est capable d’une détente instantanée, vous ne la voyez pas<br />

préparer son attaque. Je ne sais par quel miracle je pus esquiver cette fulgurante<br />

détente, elle reprit sa danse circulaire <strong>de</strong>vant moi prête à instiller son venin. Je<br />

n’avais ni cuir, ni cornes, même pas une arme et la tuer eut été illusoire, ne me<br />

battais-je pas contre une part <strong>de</strong> moi ? Contre ma colère ? Celle qui s’était accumulée<br />

<strong>de</strong>puis tant d’années.<br />

Je savais ce qu’il me restait à faire. Ce que j’avais évité, <strong>de</strong> toutes mes forces,<br />

<strong>de</strong>puis tellement longtemps. À contrecœur, avec crainte, en tremblant je baissai<br />

les yeux.<br />

Et regardai en moi.<br />

Ça n’était pas beau et les mots pour le dire n’existent pas vraiment. Le<br />

mélange d’une boucherie et <strong>de</strong> la gorge d’un volcan. Mon esprit <strong>de</strong>scendait cette<br />

cheminée, ces biologies incendiées et je voyais <strong>de</strong>s failles se créer, <strong>de</strong>s espaces<br />

s’ouvrir. Qu’allait-il en sortir ? Du feu ? De la mort ? Je vis s’approcher quelque<br />

chose <strong>de</strong> dansant. Des mots, c’était un filet <strong>de</strong> mots qui serpentaient vers moi, ils<br />

n’avaient pas encore <strong>de</strong> sens mais je serais vite touché. Je vis que le serpent avait<br />

ralenti sa dance, je vis ces filets m’entourer, je fus parlé. Ce qui suit n’est pas<br />

<strong>de</strong> moi, pas du moi que je connais, que vous savez. Ce n’est que la déflagration<br />

<strong>de</strong> milliards <strong>de</strong> symboles, <strong>de</strong> forces, <strong>de</strong> systèmes auxquels j’avais bravement<br />

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