La Déesse de Grattavache - Margelle

Un contrat se signe, il envoie son bras droit chez mon notaire.
- Ça, ça m’étonne, fit jupe de cuir.
J’ai oublié le petit Arnamphle et me suis souvenu de Margot La Noire, ma
femme d’Ibiza. Dans les années soixante, les filles ne portaient pas souvent des
jupes de cuir, c’était réservé aux putes et à de rares mannequins (on ne parlait
pas encore de tops). La jupe de cuir noir - on ne va pas remettre le couvert avec
ça - produit un effet certain sur les hommes. Sans en énumérer les raisons - faudrait
un bouquin de plus - Margot innovait avec la sienne. Grande, sportive et gracieuse,
elle savait l’utiliser de manière affolante. Un soir, nous nous retrouvons
à une soirée à Cologny, avec un groupe d’architectes distingués et soudain, alors
que la belle monte les escaliers d’une mezzanine pour aller se refaire une beauté,
l’un d’entre eux, un chauve sanguin pète les plombs, se lève, grimpe les marches
quatre à quatre et la plaque au sol devant tout le monde. Surprise, il ne sait pas
ce qui lui est arrivé. Moi je sais : Margot se sert très bien de son instrument, elle
l’avait répété sur moi avec une différence : on était ensemble et… il y avait une
suite. Le temps passe et je me retrouve devant une autre de ces jupes de cuir en
la personne de Diamant Noir. Elle connaît les goûts des hommes et les miens,
comme elles le font toutes, elle a lu dans ma tête, c’est pas sorcier.
Je lui balançai un sourire nostalgique et repris le fil rouge de notre entretien,
l’impétueux M. Arnamphle. Il est accompagné de son financier, un nommé
Ramirez, il a la paupière lourde des grands masturbés mais on sent que les chiffres
valsent vite dans sa tronche. Il y a aussi les deux brokers qui espèrent palper
des sommes indécentes pour avoir organisé une simple rencontre. Un contrat se
rédige rapidement et Arnamphle vient le signer. Il ira même jusqu’à envoyer son
bras droit chez le notaire choisi. Des tonnes de papier coulent, l’été approche,
après un sentiment de soulagement - on va cesser de voir défiler ce mélange
d’abrutis et d’escrocs - un doute s’installe. Pas d’Arnamphle. Il vogue dans les
airs et dans les affaires. “Il achète la ville de Montreux” me dit LeFuret, “ou
presque”. Les parties concernées s’énervent et LeFuret donne toute sa mesure.
Il est unique ce mec, partout à la fois. Son but est de me faire patienter jusqu’à
ce qu’Arnamphle réunisse les fonds nécessaires à la transaction. Je commence à
m’impatienter et je découvre la face obscure du personnage. Très, très nerveux et
agressif. Il traite les gens comme de la merde (c’est un banquier luxembourgeois
qui finance son Falcon qui me le dira un an plus tard), ma façon de m’exprimer
le désoriente un peu, il est très inculte, mais je ne le bloque pas, sa grossièreté lui
sert de passe-partout. LeFuret continue de recoller les morceaux, au vol, avec un
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