La Déesse de Grattavache - Margelle

Claude prend position !
- Déesse, qui que tu sois, quel que soit ton nom, je te salue, fit Claude qui, de
toute sa vie, n’avait jamais été aussi pompeux, même pas au Conseil administratif
de Grattavache, auquel il n’avait assisté qu’une fois en qualité d’observateur
indépendant. Ta question est une bonne question ! C’est une question questionnante
et je te remercie de me l’avoir posée. 1 C’est au fond une question à laquelle
on n’échappe pas, basique, récurrente comme la grève des cheminots.
L’Innommée s’était assise, le menton dans la paume de la main gauche, ses
admirables jambes nues croisées aux critères des filles de cette planète et semblait
pensive, un peu absente. Claude se saisit du petit boîtier qu’elle lui avait
remis et le brandit.
- Voilà ! fit-il, une petite boîte avec un bouton rouge. Tchédonque ! Le bel
objet ! Même pas de bouton vert pour gracier l’Amérique, même pas de blanc
pour s’abstenir de voter. Quelle liberté ! Merci, merci bien, merci beaucoup !
Cela dit, avec ta permission, je pense que cette question est une putain de question,
qu’elle n’a aucun sens, qu’elle est imprécise et déplacée. Car j’aimerais
bien savoir ce que tu entends par détruire l’Amérique ? Je ne nie pas qu’une
masse de gens en rêve, mais la détruire comment ? Pourquoi ? Quelle Amérique ?
Ta question est super-imprécise ! Normalement je devrais me sentir mal à l’aise
et même terrifié mais ça me vient pas encore. Alors, alors… je te réponds comme
ça monte, manquera peut-être des idées et des virgules mais je vois aucune autre
possibilité de te répondre que de me luger sur des mots et de m’accrocher à des
images.
Hier je regardais un film qui m’a bien plu, American DreamZ. Je sais foutre
pas ce que ça veut dire de mettre un « Z » à la place d’un « s » mais ça a l’air de
leur plaire. Et tu sais quoi ? Il y a dans cette histoire une réponse à ta question.
C’est un jeune Arabe qui est chargé de se faire sauter avec le Président ricain,
une bombe humaine vitaminée au C4 quoi ! Mais il arrive dans ce pays, il y rencontre
des gens qui l’aiment, il goûte au peuple comme à l’establishment et un
1 Voir M. Giscard Destin (aussi connu sous le nom de D’ESTAING), œuvres complètes, relié
pur porc.
281