La Déesse de Grattavache - Margelle

vu. Tu dois lui pardonner. Ce sont de très anciens souvenirs qui l’ont agitée. Elle
voulait faire de toi une image de… mon destin. Je crois que c’était sa tentative
la plus désespérée pour dessiner mes traits.
- Je n’aurais jamais dû faire toutes ces choses avec elle, dit Claude très confus.
Jésus… je ne pouvais pas savoir qu’elle était ta femme.
- Tu n’as rien fait de mal. Je trouve au contraire que tu as fabuleusement
assuré. Tous les hommes s’éprennent de Marie, tu sais ? Elle est la première
bonté. Et la lumière. Tu l’as bien traitée, Claude, si tu savais ce, qu’en mon nom
on va faire aux femmes pour deux mille ans…
- Wow ! Je peux le croire, souffla Claude, mais la passion qu’elle m’a inspirée
a bien failli être mortelle.
- Je suis venu quand il le fallait. J’avais en moi cette horloge qui décomptait le
temps restant. Que va-t-il se passer maintenant que nous nous sommes trouvés ?
Je l’ignore. Si nous ne sommes pas rejetés dans le passé nous allons devoir vivre
ici.
- Bougez pas, fit Claude qui sortit en trombe.
- Que va-t-il faire ? s’enquit Marie.
- Je crois qu’il va voir la météo, dit Jésus. Marie, nous allons devoir choisir
entre plusieurs réalités. Tu me connais ? J’aime soigner les gens et critiquer les
riches. Ça me coûtera cher, mais peut être pas dans cette réalité. Vais-je recommencer
cette croisade contre les marchands ? Pourrai-je donner à ceux qui n’ont
rien ? Ma voix roulera-t-elle sur le monde comme celle des grands chefs actuels
? Que pourrai-je contre les guerres…
Il s’interrompit. Un son grave prenait naissance dans le local des pompes à
chaleur. Ils devinrent très attentifs. Ce qui montait c’était la voix de la terre,
ou celle de Dieu. Quelque chose de tranquillement torrentiel, de giratoire. Une
fontaine de beauté et de logique, celle que Wagner avait entendue à La Spezia,
un immense accord se développant du grave à l’aigu. Des formants allaient et
venaient, des harmonies parlaient avec le bruit. Ça les enveloppa et le simple
local des pompes à chaleur fut une église, une nef, une stase.
- J’ai entendu ça quand la trombe est venue, dit Jésus.
- Va-t-elle nous reprendre ? s’inquiéta Marie.
Leurs ombres dansaient sur les murs, les tubes de chaleur vibraient doucement,
la salle des pompes était un orgue. Jésus prit Marie dans ses bras, ainsi enlacés,
ils attendirent. Le chant de la terre allait en crescendo. Et les murs autour d’eux
devinrent translucides. Qui était cette force évoquée ? Ils n’en savaient rien mais
ces chœurs immenses les enveloppèrent et les rassurèrent. La construction, peu à
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