La Déesse de Grattavache - Margelle

les faits, Sandy était lui aussi promené par ce trust, mais il y a quand même eu
l’épisode du prince afghan.
- Ah… voilà qui fait penser aux Russes magiques et aux tapis volants qui
n’arrivent jamais, toute l’Arabie et ses parfums.
- Tout le charme de l’Orient… Moitié loukoum, moitié ciguë… L’indolence
et la cruauté… en somme, le Coran alternatif, complétai-je, je connaissais mon
Audiard. 1 Bref, ce prince 2 était, à ce que l’on me disait, un homme très riche et
dangereux. Je m’imaginais une sorte de Taliban maigre avec un regard de braise
noire. La Kalachnikov sous une veste de bonne coupe, les poches débordant de
hash. Comme tous les Arabes de cette histoire (moins un), il ne vient à aucun
rendez-vous et je le classe dans l’ordre des mirages d’assault. Tu vois cette vieille
lampe des mille et une nuits là, dans le coin ?
Elle se tortilla, gênée par le 24” de l’ordinateur et fit signe que oui.
- Je l’ai achetée à Téhéran, du temps de ma sublime princesse impériale, et
c’est une vraie lampe magique. Je l’ai frottée une fois et je puis te dire que c’est
très imprudent.
- Que s’est-il passé ? me demanda-t-elle avec un sourire de Schtroumpf.
- J’en ai pris pour cinq ans, grognai-je, avec une femme de pouvoir, quasiment
pire que toi et tout ce que tu me fais endurer. Bien évidemment je ne l’ai pas
frottée pour faire surgir ce prince, je ne croyais même pas en son existence. Un
beau jour un broker très excité se pointe et me demande de réserver mon aprèsmidi
du lendemain, toutes affaires cessantes. Là on fait dans le thriller. C’est un
mec chauvaga qui fait chanter des banquiers à Lausanne et Genève et qui sans
transition me parle de ses relations occultes, d’argent, de la mafia, de Ferrari qui
explosent en Suisse quand les passeurs piquent le blé des caïds. Un véritable flot
de merde sort de sa bouche. Je ne le crois pas, bien qu’il me cite des noms connus
dans cette ville et il m’ennuie rapidement. J’accepte malgré tout de recevoir
ses clients le lendemain. Le soir, et là ça devient amusant, un mystérieux visiteur
frappe à ma porte et sans se présenter me dit que le prince va offrir une fortune
pour Centremont mais qu’en échange je dois obligatoirement consacrer les deux
tiers de cette vente pour lui racheter à prix d’or, et ce de manière anticipée, une
maison dans le quartier des Pâquis, rue des putes. Ça sent tellement mauvais
que je vire le fétide. Le lendemain se pointent l’excité, un vieux Monsieur sym-
1 In Le Guignolo 1976 Georges Lautner, Belmondo.
2 Les Américains et les petits voyous mis à part la majorité des personnages qui défilent à
Centremont sont des princes ou des titres fictifs. Les cheikhs sont parfois sans provisions.
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