La Déesse de Grattavache - Margelle

Telluride
Claude aurait facilement pu poser pour l’une de ces vieilles pubs de Malborough.
Grand, mince, cheveux argentés, il avait ce regard nostalgique du
cow-boy habitué aux plaines de l’Ouest, à leurs horizons infinis. Mais son vrai
“plus” était cette petite lumière malicieuse qui dansait dans ses prunelles quand
l’interlocuteur lui plaisait.
Il bavardait avec la Déesse de Grattavache. Il faut dire qu’il était bien le seul
à la voir et la savoir, ils étaient vite devenus de tendres copains, très intimes.
Comment cela s’était-il passé ? À lire le chapitre deux de ce book on s’attend
à une longue quête, une traque forestière, une chasse à à la pieuvre féminine,
à Sa translucente splendeur, un piège pour une fille Krack 1 , des appâts ou des
appeaux disposés dans la forêt, à une incantation même, dite de nuit par pleine
lune face au Nord. Boulettes de shit ! Foutaises. Ce ne serait que rabâchis de
mauvaise littérature.
Tout était devenu plus animal.
Il y avait eu une phase de traque. Sans aucun résultat. Et, sans qu’il sache
pourquoi, la Déesse était apparue. Pour les yeux de Claude seulement. Les autres
n’imaginaient pas son existence. L’Entité avait éprouvé un grand besoin de se
confier à un surfacier. Claude n’était que le chosen one. L’Élu.
On comprend cette timidité, cette approche incertaine. S’incarner chez les
humains ? L’angoisse, mon pote ! Si l’on en juge par ce qui est arrivé à Dieu
chez les Juifs nous n’avons aucune peine à imaginer le trop plein émotionnel
d’une Déesse en courte finale, qu’elle se destine à devenir carnale, semi-carnale
ou éthérique.
1 Fille Krack : personnage récurrent chez JG, apparitionnelle, furtive, sourires brefs, quelque
chose qui ressemble horriblement au Snark de Lewis Caroll version Boojum et que l’on
n’attrape jamais. Wolinsky a dessiné des filles Kracks.
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