La Déesse de Grattavache - Margelle
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suite une villa <strong>de</strong> milliardaire sur la rive gauche genevoise, avec son port privé.<br />
Il y avait, quand on s’est retrouvés, un autre aspect intéressant. Il m’assurait faire<br />
partie d’une loge ou d’une fratrie très secrète, avoir <strong>de</strong>s ambitions <strong>de</strong> mécène et<br />
avoir commandé une œuvre musicale à un jeune compositeur qui était son protégé<br />
et m’avait approché pour que je dirige la première <strong>de</strong> cette œuvre, lors <strong>de</strong>s<br />
cérémonies du son couronnement. Un anniversaire ? Il n’a jamais été très clair.<br />
En attendant la fête, il accumule : le grand centre Eaux Vives 2000, Le fameux<br />
Country Club à la frontière française, l’UBS en centre-ville, j’en passe. Tout ça<br />
se passe dans les années quatre-vingt, avant que la crise <strong>de</strong> l’immobilier n’éclate<br />
et le fracasse. Moi, je pensais avoir fait plaisir à mon petit frère (il a dix ans <strong>de</strong><br />
plus que moi mais il m’a toujours chargé <strong>de</strong>s responsabilités du patrimoine, il<br />
avait ça en horreur) et je n’avais aucune idée <strong>de</strong> la vitesse à laquelle on passe du<br />
statut <strong>de</strong> millionnaire à celui <strong>de</strong> fauché, lui non plus d’ailleurs. Le Virus est arrivé,<br />
c’est une souche à incubation lente. Pendant un ou <strong>de</strong>ux ans on ne distingue rien<br />
<strong>de</strong> particulier, enfin… j’aurais pu mais je ne disposais d’aucune formation et je<br />
vivais ma vie avec <strong>de</strong>s solistes, <strong>de</strong>s compositeurs, <strong>de</strong> grands orchestres, pas avec<br />
<strong>de</strong>s petits spéculateurs <strong>de</strong> mer<strong>de</strong>. On signe <strong>de</strong>s papiers, on voit un jeune homme<br />
souriant qui s’appelle LeFuret et qui est le bras droit du Virus. Il est heureux,<br />
comme moi. Malgré son excellente formation et son extraordinaire ruse, il ne<br />
voit pas venir le tsunami financier qui déstabilisera son patron, qu’il croit être un<br />
associé mais qui va le dépouiller et le virer vite fait au pire moment.<br />
- Wow ! grogna-t-elle, c’était la haine !<br />
- Plus que tu ne l’imagines, une guerre <strong>de</strong> cent ans commence et dure toujours<br />
entre Triche et LeFuret. Je n’en sais que ce que le second a bien voulu me dire et<br />
aussi quelques échos dans le milieu.<br />
À l’approche <strong>de</strong> cette très menaçante vague, Triche change et se montre sous<br />
un jour peut-être plus réel. Il n’est plus le mécène bienveillant ni l’ami d’enfance.<br />
Il est cassant, colérique et parfois, il a un regard si dur qu’il est difficile <strong>de</strong> le<br />
soutenir. Petit, moustache à la Hitler, il ressemble, avec ses accès <strong>de</strong> fureur, au<br />
grand dictateur. C’est un homme impitoyable, les corps <strong>de</strong> métier sont rarement<br />
payés et vont m’en parler encore dix ans après sa chute.<br />
Quant à la haine, je n’ai presque jamais vu quelqu’un <strong>de</strong> plus acharné à sa<br />
perte que LeFuret. Il passe du statut d’associé à celui <strong>de</strong> viré et les parts qu’il<br />
détient dans je ne sais quel montage sont barbotées par Triche, telle est pour<br />
le moins la version que j’ai entendue. C’est le temps <strong>de</strong>s avocats et quelques<br />
années plus tard <strong>de</strong>s tribunaux où, semble-t-il, rien ne se résout, tout s’enlise.<br />
Je n’ai pas envie <strong>de</strong> t’en parler plus. Il m’est difficile <strong>de</strong> dire du bien d’un<br />
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