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RÉSUMÉS DES COURS ET CONFÉRENCES
Depuis la mort prématurée de Perec en 1982 que d’échos et de suites données
à sa hantise du quotidien et à sa manière souvent géniale d’inventer des moyens
de le révéler ! Mais aussi combien d’échos et d’extensions de cette notion capitale
de modernité forgée par Baudelaire, en rapport avec ce qu’il appelait les « innombrables
rapports » des « immenses villes », pour rendre compte du coté « épique »
de la vie moderne, du merveilleux « qui nous abreuve mais que nous ne voyons pas »,
prototype du « merveilleux quotidien » des Surréalistes et de leurs descendants.
Ainsi le travail que je mène depuis quelques années comprend quatre volets
essentiels. Premièrement, une approche historique, axée sur des questions d’histoire
intellectuelle : étudier la genèse, suivre la constitution, retracer l’évolution
d’une notion qui, dans les deux dernières décennies du XXe siècle, était devenue
de plus en plus centrale. Deuxièmement, mettre en rapport des pratiques, des
formes, des genres, où on parle du quotidien, où on le fait parler : littérature :
poésie, récit, essai (chez Montaigne déjà, le genre de l’essai, foncièrement hérétique
disait Adorno, est lié au quotidien) ; mais aussi : arts plastiques, cinéma,
théâtre (que l’on pense au « théâtre du quotidien » pratiqué par Michel Vinaver) ;
et puis les sciences humaines : histoire de la vie privée, micro-histoire, anthropologie
du monde moderne, ethnographies du proche (Augé), philosophie de l’ordinaire
(Cavell) ; urbanisme ; sociologie ; proxémique ; sémiologie. Troisièmement :
la volonté de cerner, en tenant compte de ses multiples avatars et manifestations,
l’essence du quotidien, l’épaisseur philosophique de cette notion. S’agit-il d’un
contenu objectif défini par des activités particulières, ou faut-il plutôt envisager
le quotidien par rapport à des notions comme le rythme, la répétition, la festivité,
le quelconque, l’évident ? Existe-t-il des actes ou des événements relevant uniquement
du quotidien, ou le quotidien serait-il une manière de considérer l’acte
et l’événement sous leurs aspects immédiats plutôt qu’au long terme ? Quels
techniques ou genres sont les plus aptes à transmettre le caractère de la vie
quotidienne ? En quatrième lieu : aborder le quotidien par le biais de quelques
grandes figures : la maison, la conversation, la rue, le trajet, la journée.
L’idée d’une « poétique » du quotidien renvoie au sens grec de poïesis, à une
capacité créatrice. À la suite de Michel de Certeau j’ai voulu insister sur l’inventivité
paradoxale de cette dimension apparemment dépourvue de qualités particulières,
et sur le fait que ce manque de contours ou de localisation précise dote
le quotidien de sa « capacité négative », pour rappeler une formule célèbre de
John Keats. Résidu, presque rien, terrain vague : le quotidien est à la fois vulnérable
aux manipulations extérieures et capable de les détourner dans la mesure
où l’homme quotidien, dans sa pratique de la vie, son art de vivre, fait montre
d’une capacité de résistance et d’invention.
Selon Henri Lefebvre « La rue passagère représente la quotidienneté dans notre
vie sociale. Elle en est la figuration presque complète ». En effet, depuis les
« plis sinueux des vieilles capitales » chez Baudelaire, à travers le « Lundi rue
Christine » d’Apollinaire, le Mystère et mélancolie d’une rue de Chirico, l’errance
urbaine des Surréalistes, la merveilleuse Tentative d’épuisement d’un lieu parisien
de Perec, la rue est au centre de l’imaginaire du quotidien. Je me suis
5983$$ UNRE 21-01-2008 17:05:08Imprimerie CHIRAT