annuaire partie 4 pdf - Cours et travaux - Collège - Collège de France

RÉSUMÉS DES COURS ET CONFÉRENCES 1003
Les échanges entre ces deux hommes de haute culture nous permettent de
nous écarter de la thèse, courante de nos jours, qui veut que les savants ou les
penseurs du XVIII e siècle s’inscrivent dans le camp, soit des « philosophes »,
soit des « anti-philosophes », qu’ils soient pour la science ou bien pour la religion
révélée. Pour Niccolini et De Brosses, ces choix ne se posaient pas. Les conférences
du Professeur Rogister s’appuient sur la correspondance inédite de ces
deux figures marquantes du monde intellectuel et antiquisant du milieu du
XVIII e siècle qu’il s’apprête à publier.
M. François OST
Professeur ordinaire aux Facultés universitaires Saint-Louis,
Bruxelles (Belgique)
Les détours de Babel. La traduction comme paradigme
« En l’absence de toute superlangue
nous ne sommes pas complètement démunis ;
nous reste la ressource de la traduction ».
P. RICŒUR, L’universel et l’historique,
in Le juste 2, Paris, Éditions Esprit, 2001, p. 282.
Pourquoi donc serions-nous démunis, en l’absence de toute superlangue ? Parce
que jamais ne nous a abandonné — et certainement pas aujourd’hui, à l’heure
de la mondialisation — la sourde aspiration à l’unité du savoir, l’unanimité dans
l’action et l’uniformité de nos langages. Nous nous rêvons universels et nous
nous réveillons multiples, divisés, dispersés et confus. Reste alors, dit Ricœur,
la ressource de la traduction. Ce sera l’objet de cette conférence d’approfondir ce
propos et de jeter les premiers jalons de sa vérification dans quelques directions
essentielles de la culture.
Il reste que, en dépit des années, nous vivons toujours dans la nostalgie suscitée
par la catastrophe de Babel. Dès qu’il est question de langue, et a fortiori de
traduction, tout se passe comme si nous restions fascinés par la langue adamique
d’avant la dispersion, et inconsolables désormais d’être condamnés à la traduction.
Il est vrai qu’en Genèse, 11, la dramatisation est maximale : une faute
énorme suivie d’un châtiment exemplaire. Alors que « tous se servaient des
mêmes mots », les hommes conçurent le projet de construire une tour qui monterait
jusqu’aux cieux : « faisons-nous un nom », se disaient-ils, et ne soyons plus
dispersés sur toute la terre. Mais Dieu de prendre ombrage de ce projet auquel
il met un terme de la manière la plus nette : la tour est détruite, les hommes
dispersés, les lignées interrompues, et la confusion introduite dans le langage :
Babel-confusion. Comme une seconde chute : après le bannissement du paradis,
maintenant l’exil de la parole ; en terre barbare, les hommes sont destinés au
baragouin, pour avoir consommé le péché originel linguistique.
5983$$ UNRE 21-01-2008 17:05:09Imprimerie CHIRAT