JOURNAL ASMAC No 3 - juin 2018

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POINT DE MIRE ▶ L’ÎLE Construction des futures îles de protection de la nature (© Reussdelta.ch) Lorelei et Neptune A proximité du rivage, on trouve aujourd’hui deux archipels composés chacun de trois îles. Au total, celles-ci représentent environ la surface de trois terrains de football. Mais, elles ne sont véritablement que la «pointe de la montagne»: en dessous se trouvent des massifs rocheux pouvant atteindre jusqu’à 40 mètres de hauteur qui sont censés protéger le rivage de l’érosion. En 2005, cinq ans après le début des travaux, les îles appelées Lorelei ont été ouvertes au public. Elles sont recouvertes de sable, ce qui renforce leur attractivité et l’atmosphère paradisiaque. Depuis lors, elles comptent parmi les principales attractions estivales dans le canton d’Uri. Les îles réservées à la nature du nom de Neptune aussi remplissent parfaitement leur fonction. Grâce aux zones peu profondes, d’innombrables espèces de poisson y trouvent de nouveau des frayères. L’année dernière, on y a compté 70 espèces d’oiseaux et 200 espèces végétales qui se sont implantées sur une des trois îles. Il est prévu de répéter ailleurs ce qui a si bien fonctionné dans le lac d’Uri. «La construction de tunnels suscite des fantaisies insulaires», titrait le «Landbote» le 2 septembre 2017. Ici aussi, il s’agit d’utiliser des déblais pour construire des îles artificielles. La conduite d’évacuation des eaux qui doit être construite entre la Sihl et le lac de Zurich n’existe jusqu’ici que sur le papier. Et personne ne sait si de nouvelles îles verront le jour dans le lac de Zurich. Les travaux sont par contre plus avancés en Suisse centrale. Le canton d’Obwald aimerait utiliser les gravats provenant des travaux de protection contre les inondations pour les déposer dans l’embouchure de la Sarneraa. Comme dans le lac d’Uri, il est prévu de faire apparaître des îles pour la baignade et la protection de la nature dans le lac d’Alpnach. Et aussi dans le lac d’Uri, il est prévu de déposer davantage de déblais de la construction du tunnel. A nouveau pour renaturer des zones peu profondes. D’autres îles ne sont par contre pas prévues. (Informations sur le delta de la Reuss sur www.reussdelta.ch). ■ 32 VSAO JOURNAL ASMAC N o 3 juin 2018
POINT DE MIRE ▶ L’ÎLE Le père de tous les insulaires Robinson Crusoé a rendu son créateur riche et immortel. Celui qui inspira cette célèbre figure littéraire est en revanche mort jeune et passablement démuni. La véritable île de Robinson est quant à elle bien éloignée de la terre paradisiaque décrite dans le roman. Elle reste aujourd’hui toujours aussi obscure et peu fréquentée. Il était âgé, désargenté et cherchait un moyen de se remettre en fonds. Sa fille voulait se marier et les entreprises qu’il avait fondées avaient toutes fait faillite. Daniel Defoe, fils d’un fabricant de bougies londonien, disait avoir fait 13 fois fortune au cours de sa vie mouvementée, pour se retrouver chaque fois aussi pauvre qu’avant. Mais le pieux homme possédait toutefois un talent: celui d’écrire. Il était doué d’une imagination débordante et d’une plume alerte et n’avait pas son pareil pour construire un récit à base de quelques faits réels et de beaucoup d’imagination. Et plus que tout: il avait un flair incroyable pour deviner ce que le public souhaitait lire. Très impliqué dans la vie de son temps, il a composé des centaines de pamphlets et de traités religieux, d’écrits politiques et satiriques, publiés la plupart du temps sous nom d’emprunt. Il n’utilisa en effet pas moins de 198 pseudonymes. Il n’avait pourtant aucun roman à son actif quand il atteignit l’âge vénérable de 59 ans et qu’il composa un récit d’aventure comme l’Angleterre ni l’Europe n’en avait encore jamais lus. Si la morale de l’histoire tient en peu de mots – «Aide-toi et le ciel t’aidera!» – son titre original est en revanche plutôt alambiqué: «La vie et les aventures étranges et surprenantes de Robinson Crusoé de York, marin, qui vécut 28 ans sur une île déserte sur la côte de l’Amérique, près de l’embouchure du grand fleuve Orénoque, à la suite d’un naufrage où tous périrent à l’exception de lui-même, et comment il fut délivré d’une manière tout aussi étrange par des pirates. Ecrit par lui-même.» Réalité et fiction Il s’agit naturellement d’une invention de Daniel Defoe. Il n’y a jamais eu de personnage nommé Robinson, qui aurait pu écrire ces mots. Il n’y a pas davantage eu d’île peuplée de cannibales vivant nus et dévorant leurs ennemis, pas plus que de fidèle et loyal serviteur indigène, nommé Vendredi, éduqué par Robinson à la foi protestante. L’homme qui a réellement existé en revanche est un marin écossais, appelé Alexander Selkirk. Il survécut de 1704 à 1709, seul, sur une lointaine île du Pacifique, du nom de Más a Tierra. Cet homme fit sensation sur les bords de la Tamise, lorsqu’il regagna Londres en 1711. Il est vraisemblable que Defoe ait rencontré cet homme et qu’il l’ait interviewé. Mais quant à savoir ce qui est vrai dans le récit d’aventure qu’il rédigea par la suite, d’où il tenait ses informations, qui furent ses modèles et où ils ont réellement séjourné, les spécialistes en débattent encore aujourd’hui. Vrai ou faux? Les lecteurs de cette époque n’en avaient cure, ils dévoraient le livre. La première édition tirée à 1000 exemplaires en avril 1719 a été immédiatement épuisée. Même dans les pays catholiques, où l’ouvrage était interdit, le livre s’est vendu de manière impressionnante. En Espagne, l’ouvrage a été mis à l’index jusqu’en 1842, en raison des passages où l’auteur affiche ses convictions protestantes. Une période terrible En juillet 1703, Daniel Defoe se retrouvait une nouvelle fois cloué au pilori, pour avoir publié un poème satirique sur le gouvernement. A la même époque, un autre homme entreprit un voyage, qui devait changer la vie de Defoe et lui inspirer son œuvre la plus fameuse. Parti d’Irlande avec deux navires de taille réduite, le capitaine Dampier mit le cap sur l’océan Pacifique. Comme commandant en second, il s’estimait chanceux d’avoir pu embaucher Alexander Selkirk qui passait pour un navigateur expérimenté. Le jeune écossais, âgé de 27 ans, était pourtant un homme plutôt fruste et volontiers querelleur, qui laissait déjà deux femmes derrière lui. Les 11 000 miles de voyage se révélèrent toutefois encore plus pénibles que prévu. Une dispute éclata, Selkirk refusa de poursuivre. Le capitaine se désolidarisa de son Claus Lutterbeck 1 1 Ceci est une version résumée de l’article intitulé «La véritable histoire de Robinson Crusoé», paru dans le National Geographic 5/2016, pages 42 à 67. N o 3 juin 2018 VSAO JOURNAL ASMAC 33
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