JOURNAL ASMAC No 3 - juin 2018
L'île - Pneumologie/Infectiologie Rapport d'experts Diener - un cheval de Troie?
L'île -
Pneumologie/Infectiologie
Rapport d'experts Diener - un cheval de Troie?
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POINT DE MIRE ▶ L’ÎLE<br />
Le père de tous les insulaires<br />
Robinson Crusoé a rendu son créateur riche et immortel. Celui qui inspira cette célèbre figure littéraire<br />
est en revanche mort jeune et passablement démuni. La véritable île de Robinson est quant à<br />
elle bien éloignée de la terre paradisiaque décrite dans le roman. Elle reste aujourd’hui toujours aussi<br />
obscure et peu fréquentée.<br />
Il était âgé, désargenté et cherchait un<br />
moyen de se remettre en fonds. Sa fille<br />
voulait se marier et les entreprises qu’il<br />
avait fondées avaient toutes fait faillite.<br />
Daniel Defoe, fils d’un fabricant de bougies<br />
londonien, disait avoir fait 13 fois<br />
fortune au cours de sa vie mouvementée,<br />
pour se retrouver chaque fois aussi pauvre<br />
qu’avant. Mais le pieux homme possédait<br />
toutefois un talent: celui d’écrire. Il était<br />
doué d’une imagination débordante et<br />
d’une plume alerte et n’avait pas son pareil<br />
pour construire un récit à base de quelques<br />
faits réels et de beaucoup d’imagination.<br />
Et plus que tout: il avait un flair incroyable<br />
pour deviner ce que le public souhaitait<br />
lire. Très impliqué dans la vie de son<br />
temps, il a composé des centaines de pamphlets<br />
et de traités religieux, d’écrits politiques<br />
et satiriques, publiés la plupart du<br />
temps sous nom d’emprunt. Il n’utilisa en<br />
effet pas moins de 198 pseudonymes. Il<br />
n’avait pourtant aucun roman à son actif<br />
quand il atteignit l’âge vénérable de<br />
59 ans et qu’il composa un récit d’aventure<br />
comme l’Angleterre ni l’Europe n’en avait<br />
encore jamais lus. Si la morale de l’histoire<br />
tient en peu de mots – «Aide-toi et le<br />
ciel t’aidera!» – son titre original est en<br />
revanche plutôt alambiqué: «La vie et les<br />
aventures étranges et surprenantes de Robinson<br />
Crusoé de York, marin, qui vécut<br />
28 ans sur une île déserte sur la côte de<br />
l’Amérique, près de l’embouchure du<br />
grand fleuve Orénoque, à la suite d’un<br />
naufrage où tous périrent à l’exception de<br />
lui-même, et comment il fut délivré d’une<br />
manière tout aussi étrange par des pirates.<br />
Ecrit par lui-même.»<br />
Réalité et fiction<br />
Il s’agit naturellement d’une invention de<br />
Daniel Defoe. Il n’y a jamais eu de personnage<br />
nommé Robinson, qui aurait pu<br />
écrire ces mots. Il n’y a pas davantage eu<br />
d’île peuplée de cannibales vivant nus et<br />
dévorant leurs ennemis, pas plus que de<br />
fidèle et loyal serviteur indigène, nommé<br />
Vendredi, éduqué par Robinson à la foi<br />
protestante. L’homme qui a réellement<br />
existé en revanche est un marin écossais,<br />
appelé Alexander Selkirk. Il survécut de<br />
1704 à 1709, seul, sur une lointaine île du<br />
Pacifique, du nom de Más a Tierra. Cet<br />
homme fit sensation sur les bords de la<br />
Tamise, lorsqu’il regagna Londres en 1711.<br />
Il est vraisemblable que Defoe ait rencontré<br />
cet homme et qu’il l’ait interviewé.<br />
Mais quant à savoir ce qui est vrai dans le<br />
récit d’aventure qu’il rédigea par la suite,<br />
d’où il tenait ses informations, qui furent<br />
ses modèles et où ils ont réellement séjourné,<br />
les spécialistes en débattent encore<br />
aujourd’hui.<br />
Vrai ou faux? Les lecteurs de cette époque<br />
n’en avaient cure, ils dévoraient le livre.<br />
La première édition tirée à 1000 exemplaires<br />
en avril 1719 a été immédiatement<br />
épuisée. Même dans les pays catholiques,<br />
où l’ouvrage était interdit, le livre s’est<br />
vendu de manière impressionnante. En<br />
Espagne, l’ouvrage a été mis à l’index<br />
jusqu’en 1842, en raison des passages où<br />
l’auteur affiche ses convictions protestantes.<br />
Une période terrible<br />
En juillet 1703, Daniel Defoe se retrouvait<br />
une nouvelle fois cloué au pilori, pour avoir<br />
publié un poème satirique sur le gouvernement.<br />
A la même époque, un autre homme<br />
entreprit un voyage, qui devait changer la<br />
vie de Defoe et lui inspirer son œuvre la<br />
plus fameuse. Parti d’Irlande avec deux<br />
navires de taille réduite, le capitaine Dampier<br />
mit le cap sur l’océan Pacifique.<br />
Comme commandant en second, il s’estimait<br />
chanceux d’avoir pu embaucher<br />
Alexander Selkirk qui passait pour un navigateur<br />
expérimenté. Le jeune écossais,<br />
âgé de 27 ans, était pourtant un homme<br />
plutôt fruste et volontiers querelleur, qui<br />
laissait déjà deux femmes derrière lui.<br />
Les 11 000 miles de voyage se révélèrent<br />
toutefois encore plus pénibles que prévu.<br />
Une dispute éclata, Selkirk refusa de poursuivre.<br />
Le capitaine se désolidarisa de son<br />
Claus Lutterbeck 1 1 Ceci est une version résumée de l’article intitulé<br />
«La véritable histoire de Robinson<br />
Crusoé», paru dans le National Geographic<br />
5/2016, pages 42 à 67.<br />
N o 3 <strong>juin</strong> <strong>2018</strong><br />
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