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Du grand brûlé koala à la belle Gëlle Fra
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116 LG
EDITION SPÉCIALE - BEST OF LG 228 - NOVEMBRE 2019
S’armer du courage d’oser
PAR MARTINA CAPPUCCIO
PORTRAITS
C’est alors que le soleil déclinant teintait de sa lumière automnale les voûtes du cloître de
l’Abbaye de Neumünster, qu’Ainhoa Achutegui, sa directrice, a accepté de nous livrer son
histoire. Assise au pied d’une exposition de l’artiste luxembourgeoise Désirée Wickler, elle
nous parle de son parcours marqué par la force d’une conviction féministe, une passion
dévorante pour la création artistique, la dureté d’un travail acharné et ce sourire éclatant qui
semble l’avoir toujours animée.
Naissance d’un amour pour l’art
Ainhoa Achutegui nait à Caracas, au
Venezuela. Alors qu’elle est âgée de cinq
ans, son père, diplomate, s’installe dans
la capitale autrichienne pour des raisons
professionnelles et emmène sa famille
avec lui. Malgré la distance, la petite
Ainhoa garde des liens très forts avec son
pays natal où elle passe ses jeunes étés. A
Vienne, le foyer familial ne manque jamais
d’animation et devient un lieu de rencontres
et d’échanges avec les communautés latinoaméricaines
et caraïbéennes.
C’est dans l’émerveillement de l’enfance
que nait sa sensibilité artistique. Tous
les dimanches, sa mère les emmenait
religieusement, ses frères et elle, au
musée d’art moderne de Vienne. C’est
également de ses parents, qu’elle décrit
comme cinéphiles fanatiques, qu’elle hérite
d’une passion pour les arts visuels. Leurs
montagnes de cassettes-vidéos étaient
chacune l’occasion nouvelle d’un moment
de partage et de découvertes que l’enfant
dévorait avec avidité.
L’illusion cinématographique
L’élève studieuse et appliquée qu’elle était
grandit. Elle se mue progressivement en
une adolescente ne laissant passer aucune
occasion offerte par un exposé ou une
dissertation de faire éclore les débuts
d’une conviction qu’elle appelait déjà, sans
doute prématurément, féministe. Poussée
à prendre son envol vers la France et ses
universités par ses professeurs du Lycée
français, l’étudiante ne s’en sent pas encore
la maturité et opte pour un cursus en
philosophie et sciences du théâtre à Vienne.
Ce premier parcours académique est
évidemment tourné vers le théâtre, mais
la matière dont elle tirera l’enseignement
le plus utile pour sa vie personnelle est
la philosophie. Qu’est-ce qu’un genre?
Que signifie être femme? «Simone de
Beauvoir disait très justement «on ne nait
pas femme, on le devient». Cette citation
a pris pour moi tout son sens à la lecture
de l’approche théorique du féminisme de
Judith Butler. Tous nos comportements
sont déterminés par des schémas sociaux
liés à notre genre. Les Gender Studies
et mes lectures féministes m’ont montré
qu’il était possible de renverser ces codes,
de dépasser ce conditionnement et d’oser
davantage, en tant que femme», nous
explique-t-elle.
“Oser davantage,
en tant que femme”
Au terme de ce cursus, Ainhoa Achutegui
est persuadée qu’elle dédiera sa carrière
au cinéma d’auteur. Tout en enchainant
de petits boulots à différents niveaux
de production, elle entame un master
en gestion de projet dans l’objectif de
consolider les compétences nécessaires
à la vie professionnelle à laquelle elle
se destine. Mais le monde du cinéma
ne correspond ni à ses attentes, ni à
sa philosophie de travail. Trouvant
celui-ci trop proche de considérations
économiques et trop éloigné des arts, elle
se passionne davantage pour la danse et
le théâtre: «Le problème du cinéma est
que le résultat final doit être parfait. En
m’investissant dans des projets en danse et
en théâtre, j’ai découvert une ambiance de
travail qui laissait la place à la spontanéité,
à l’erreur et à l’humeur de l’artiste,
donnant lieu à des prestations uniques».
Sensible à la performance, au laid ou
encore à l’engagement, c’est à travers
les danses contemporaine, conceptuelle
ou engagée qu’elle retrouve l’expression
spontanée du vrai qui la touche tant. En
se lançant sur cette nouvelle voie, Ainhoa
Achutegui a également entamé un second
cursus en gestion de projets culturels.
Au carrefour des possibles
A tout juste 26 ans, trois propositions
professionnelles intéressantes s’offrent à
elle. Accumulant une certaine expérience
dans la production cinématographique, on
lui propose deux postes dans ce domaine.
Mais c’est la troisième offre qui retient
son attention. Assistante du directeur
artistique du Werkstätten und Kulturhaus
(WUK) à Vienne depuis quelques mois
à peine, ce dernier remet sa démission et
la recommande pour sa succession. Elle
accepte pour une simple raison: il s’agit du
défi qui lui serait le plus difficile à relever.
Sans dénigrer l’importance de l’expérience
dans un parcours professionnel, Ainhoa
Achutegui insiste également sur le
pouvoir du potentiel qui ne demande
qu’à se concrétiser en compétences
à un poste donné: «En tant que
femme, nous devons valoriser notre
potentiel! Ce poste m’a demandé un
énorme investissement, nous avions
103 artistes en résidence et une
programmation variée. Je n’ai jamais
autant travaillé dans ma carrière, mais
c’était aussi la plus belle expérience de
ma vie», se souvient-elle.