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Du grand brûlé koala à la belle Gëlle Fra
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120 LG
EDITION SPÉCIALE - BEST OF LG 229 - DÉCEMBRE 2019
Le travail du plaisir
PAR JULIEN BRUN
PORTRAITS
En presque trois décennies, son affaire est passée de 9 à 380 employés, de 125 à 8.000 voitures
vendues par an et de 3 à 300 millions de chiffre d’affaires. Philippe Emond est à la tête d’un
empire qui porte son nom au travers huit concessions automobiles réparties en Belgique, en
France et au Luxembourg. Portrait d’une réussite qui prend source de la passion automobile et
d’une farouche envie de s’arracher à son milieu familial mais sans tarir des valeurs originelles.
Un enraciné
Son français a conservé une musicalité qui
prend racine dans les pâturages gaumais;
l’aspiration des voyelles et les articulations
grippées des consonnes rappellent quelque
peu la lourdeur des sabots des chevaux
ardennais labourant les terres de son histoire.
Agriculteurs, ses grands-parents maternels
et paternels furent des gens de la terre. Avec
ses deux sœurs, toutes les vacances étaient aux
pommes de terre de Florenville, au bétail des
pâturages, aux jeux de la ferme et au tracteur
pourfendant la noirceur des nuits de Gaume.
Suivre son père partout faisait le bonheur du
garçon. Le travail des champs forge les corps
comme l’éducation du monde paysan forge les
âmes. Les valeurs sont simples: le sens de la
parole donnée qui se cristallise dans une solide
poignée de main, l’indéfectible honnêteté des
sentiments pudiquement recouverte par la
rusticité des échanges, la politesse de quelques
formules jalonnant le quotidien et permettant
le pardon lorsque l’on déborde un peu trop.
Le gamin est performant dans ce qui le
passionne et fainéant pour le reste. Interne
chez les Frères Maristes d’Arlon à onze ans,
traversant les années sans jamais briller,
le «cancre discipliné» fait son petit bout
de chemin, des rêves plein la caboche.
Hermétique aux grands auteurs, il avale
pourtant d’innombrables bouquins de foot
et BD qui jonchent son lit. L’œil ennuyé
posé sur une formule mathématique pétille
à la récré lorsque s’annonce la partie de
ballon entre copains. Et le rouge des
bulletins - qu’il brûlera lorsqu’il deviendra
papa afin que son fils ne tombe pas dessus
- jure avec l’encre bleue de liberté qu’il
aime coucher sur le papier des rédactions
et des poésies griffonnées comme autant de
moments de dire le monde qui l’entoure.
L’ado est peut-être un «cancre» et un
«fainéant» à l’école, mais il est passionné et
a le sens de l’observation. Deux qualités qui
le mèneront à une réussite professionnelle.
“Le sens
de la parole
donnée qui
se cristallise
dans une solide
poignée de main”
S’arracher à son milieu
De l’ennui scolaire qui l’enferme, naît une
envie de s’échapper; le jeune homme de 19
ans se confie à son paternel qui lui répond:
«pas grave, demain tu viens au boulot».
Il ouvre la station essence à cinq heures,
jusqu’à ce que les femmes de la famille
prennent le relais à sept, et retrouve ensuite
une activité d’horticulteur-paysagiste. Dans
les serres et pépinières accolées, il prend soin
des fleurs et arbustes, tient les rangées bien
alignées et les étiquettes bien propres, joue
des agencements pour trouver la meilleure
mise en évidence; dans les parcs et jardins,
il compose des œuvres d’harmonie… autant
d’activités qui procurent joie et tranquillité.
Déclaré aide-familiale, les 500 francs
belges (l’équivalent de 12 euros) touchés
par semaine sont avalés dans les bals de
fin de semaine entre copains. Son premier
véritable salaire est versé à son mariage;
il a alors 24 ans. La culture du monde
paysan de l’époque définissait encore l’âge
adulte comme la rupture avec l’enfance.
Le passage du principe du plaisir à celui
de réalité dans la gouvernance des actions
s’incarne aussi dans le mariage et dans cette
phrase performative: «dorénavant, tu es un
homme mon fils».
L’affaire familiale était un choix par défaut, une
solution de proximité, mais ses idées ne sont
jamais assez bonnes aux yeux du patriarche.
Une dichotomie en somme, toute naturelle
entre un fils et son père: «à 20 ans on se
tait, à 25 on est contrarié, à l’approche de
la trentaine on souhaite partir», avoue-til.
S’arracher à son milieu d’accord mais
pour faire quoi? Sans argent, ni diplôme,
ni réseau; il lui faut choisir un métier pour
lequel il aurait envie de se lever chaque
matin.
«Amoureux comme au premier jour»
Il a toujours aimé les belles cylindrées
en général et les BMW en particulier.
Un amour qui naît aussi d’un conflit
intergénérationnel dans la mesure où son
père ne jure que par Mercedes; la marque
du tracteur, de la voiture et de l’utilitaire.
Mais par principe d’émancipation, il fallait
que l’ado trouve puis affirme une identité
propre.
«BM, c’est la jeunesse, la sportivité, le
dynamisme mais avec l’élégance» et ce n’est
pas un hasard si trois modèles de la marque
ont été au casting de James Bond. La
tueuse en robe de soirée, à la fois luxueuse
et ensauvagée, continue de séduire Philippe
Emond comme au premier jour. Et comme
tout bon aveugle en la matière, sa fidélité
trouve toujours un défaut aux autres
marques.
«Le plaisir de conduire… elles virent à plat
dans un équilibre parfait… des à-coups plus
doux dans nos boîtes à huit rapports… une
musicalité des moteurs…». Aux puristes qui
regrettent les propulsions, il retorque que
les meilleures tractions sont toujours chez
BM qui ne connaît pas de soulèvement
de l’avant. Que ce soient les hybrides
rechargeables, les électriques, les M ou les
berlines; elles sont toujours conçues pour le
plaisir de conduire. Et cela vaut également
pour Mini qui a su garder son origine de
«Go-Kart Feeling». Une passion si
forte que le logo BMW est tatoué
depuis vingt ans sur son mollet…