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Kurt SPILLMANN, Andreas WENGER, Derek MÜLLER (dir). Between Russia and the
West foreign and security policy of indépendant Ukraine, Studien zur Zeitgeschichte und Sicherheitpolitik,
vol. 2, Berne, Peter Lang, 1999, 358 p. – ISBN 3-906764-31-1. – 49,00 Sfr.
Durant trois siècles au moins, l'Ukraine a fait partie intégrante de l'Empire russe puis soviétique. En
1991, pour la première fois de son histoire, l'Ukraine acquiert son indépendance en tant qu'Etat,
doté d'institutions modernes et stables. L'importance de cette situation nouvelle n'est alors guère
perçue que par ses voisins polonais et hongrois. Il faut attendre la seconde moitié de la décennie
avant que l'Occident – et, en particulier, les Etats Unis – considère ce nouvel Etat indépendant
comme un acteur géopolitique majeur dans l'établissement du nouvel équilibre européen. Malgré
cela, peu d'ouvrages occidentaux se sont attachés à étudier l'Ukraine. C'est dire l'intérêt que l'on peut
porter à un ouvrage consacré à la politique étrangère et de sécurité de ce pays.
Réunis sous l'égide du Centre de recherche sur les conflits et la sécurité de Zurich, cet ouvrage
est un recueil d'articles ou plutôt une sorte de dialogue entre auteurs ukrainiens et non ukrainiens
(allemands, britanniques et russes). Il est divisé en trois grandes parties consacrées respectivement à
la dimension intérieure de la politique étrangère et de sécurité; à la place de l'Ukraine en Europe, en
relation notamment avec l'OTAN et l'UE; enfin à la spécificité des relations russo-ukrainiennes.
Dans sa dimension intérieure, la nouvelle politique étrangère et de sécurité de l'Ukraine est, à
l'instar de la Russie, marquée par l'affrontement de deux écoles dont l'existence remonte aux lendemains
de la «Guerre patriotique de 1812» et qui oppose «slavophiles» et «occidentalistes».
Aujourd'hui, et dans leurs visions les plus extrêmes, les premiers défendent l'idée d'une Ukraine
intégrée à un espace post-impérial sur le modèle de la Biélorussie; les seconds, au contraire se
réfèrent à un retrait de l'Ukraine hors de cet espace, à l'instar de la politique menée par les trois
républiques baltes. La réalité politique se situe naturellement entre ces deux extrêmes: ni affrontement
ni intégration (articles Taras Kuzo et de Oleksandr Potekhin). Cette voie moyenne pourrait
d'ailleurs être confirmée avec la (re)nomination de Anatoli Zlenko à la tête de la diplomatie
ukrainienne en octobre 2000.
Certes, l'Ukraine cherche à s'intégrer dans une logique euro-atlantique, voire à beaucoup plus
long terme à adhérer à l'OTAN. Mais la majorité de la population souhaite, dans le même temps,
que cette entrée dans le monde occidental et atlantique ne conduise pas à une rupture avec Moscou
qui transformerait l'Ukraine en une sorte de zone grise, lieu privilégié de crise. Par contre, le
rapprochement avec l'UE – même si les perspectives d'adhésion y sont au moins aussi éloignées
que de l'OTAN – est soutenu par tous car il est perçu comme un moyen de surmonter une situation
économique qui n'est guère différente de celle de la Russie (Iris Kempe).
Le partenariat stratégique polono-ukrainien auquel est consacré un chapitre entier est, de ce point
de vue, exemplaire (Oleksandr Pavliuk). Car, même si leurs relations bilatérales sont parfois complexes,
par son adhésion à l'OTAN et ses perspectives d'appartenance à l'UE, la Pologne représente
pour Kiev un fort soutien dans sa volonté de se rapprocher des institutions occidentales. De même que
l'Ukraine permet à la Pologne de s'éloigner d'une Russie qu'elle perçoit toujours comme une menace.
Car la Russie reste bien un facteur essentiel de la politique étrangère et de sécurité de
l'Ukraine. D'où une partie entière consacrée à ce sujet. En particulier, les regards croisés de deux
auteurs, l'un russe (Arkady Moshes), l'autre ukrainienne (Ivanna Klympush), montrent que la
volonté de résoudre les différends – signature du «grand traité» (31 mai 1997), règlement de la
question de la flotte de la mer Noire – n'exclut pas les arrière pensées et les relents nostalgiques,
alors même que la dépendance économique de Kiev à l'égard de Moscou s'accroît.
Assez complet dans les thèmes abordés et équilibré dans ses approches, cet ouvrage constitue un bon
outil de travail pour qui souhaite aborder l'Ukraine dans sa complexité et sa diversité.
Jean-Christophe Romer
Professeur à l'Université Robert Schuman – Strasbourg III
Institut des hautes études européennes