chateaubriand. - Notes du mont Royal

82 LES MARTYRS,
se promenant seule, avec un air de joie, dans les
cours du château, dans les salles, dans les galeries
, les passages secrets, les escaliers tournants
qui conduisoient au haut de la forteresse; elle
se multiplioit sous nies pas, et, quand je la
croyois auprès de son père, elle se montroit
tout à coup au fond d'un corridor obscur, comme
une apparition.
» Cette femme étoit extraordinaire. Elle avoit,
ainsi que toutes les Gauloises, quelque chose de
capricieux et d'attirant. Son regard étoit prompt*
sa bouche un peu dédaigneuse, et son sourire
singulièrement doux et spirituel. Ses manières
étoient tantôt hautaines, tantôt voluptueuses;
il y avoit dans toute sa personne de l'abandon
et de la dignité, de l'innocence et de Fart.
JPaerois été étonné de trouver dans une espèce
de sauvage une connoissance approfondie des
lettres grecques et de l'histoire de son pays, si
je n'avois su que Velléda descendoit de la famille
de FArchidruide, et qu'elle avoit été élevée
par un Senani, pour être attachée à Fordre savant
des prêtres gaulois. L'orgueil dominoit chez
cette Barbare, et l'exaltation de ses sentiments
alloit souvent jusqu'au désordre.
» Une nuit, je veillois seul dans une saMe
d'armes, où l'on ne découvroit le ciel que par
d'étroites et longues ouvertures pratiquées dans