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Forschung Migration und Gesundheit im Rah - Bundesamt für ...

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marche de manœuvre mise en place par les personnes partant<br />

de leur situation de précarité. Pour finir, nous discutons dans<br />

quelle mesure le contexte étatique et la marche de manœuvre<br />

individuelle agissent sur leurs comportements de santé. Cette<br />

mise en parallèle des différents niveaux de la précarité repose<br />

d’une part sur le cadre législatif et son application et d’autre<br />

part sur le point de vue subjectif des personnes interviewées.<br />

Elle distingue quatre groupes partant des deux variables les<br />

plus déterminantes des degrés de précarité et des styles de<br />

vie et de santé des personnes: d’une part la situation de séjour<br />

(avec un permis de séjour et sans autorisation de séjour) et<br />

d’autre part l’activité rémunérée (personnes avec un travail et<br />

celles ne travaillant pas). A ce stade il nous faut souligner que<br />

si la hiérarchie élaborée permet d’identifier des groupes en<br />

situations plus favorables que d’autres, cette échelle s’inscrit<br />

dans une comparaison de positions précaires. En d’autres<br />

termes, les plus «chanceux» n’en demeurent pas moins des<br />

«précaires» ou «précarisés» (si on veut accentuer la responsabilité<br />

du contexte structurel dans cette situation).<br />

Ainsi, on constate que les personnes admises provisoirement<br />

et actives professionnellement sont celles qui bénéficient et<br />

développent le plus grand nombre de ressources, structurelles<br />

et individuelles. Il existe chez ces personnes un équilibre<br />

entre ces deux niveaux. Parmi les composantes structurelles,<br />

l’insécurité liée à ce permis provisoire et les l<strong>im</strong>itations qu’il<br />

<strong>im</strong>plique par rapport à la mobilité sociale, géographique et<br />

économique sont les éléments les plus négatifs pour le bienêtre<br />

des personnes. Nonobstant ces restrictions, elles bénéficient<br />

de par leur autorisation de séjour d’une certaine sécurité:<br />

d’une part une sécurité sociale, telle l’assistance financière<br />

et sociale, et d’autre part l’appui du système de santé. Ces<br />

deux éléments jugulés suffisent aux personnes admises provisoirement<br />

qui travaillent pour appréhender avec une relative<br />

confiance leur séjour en Suisse. Elles parviennent de manière<br />

volontaire à capitaliser leur situation en développant toutes<br />

sortes de ressources personnelles telles que le fait d’acquérir<br />

une indépendance financière et ainsi de réaliser un projet dans<br />

le cadre de leur migration. En utilisant les potentialités du système<br />

sans se laisser l<strong>im</strong>iter par les nombreux obstacles, elles<br />

acquièrent un sent<strong>im</strong>ent d’être reconnues par la société, une<br />

meilleure conscience et est<strong>im</strong>e d’elles-mêmes ainsi qu’un certain<br />

contrôle sur leur vie. Sans avoir mesuré le sent<strong>im</strong>ent de<br />

cohérence qu’elles éprouvent par rapport à leur vie, on note<br />

que ses trois composantes clés sont dans ce cas rejointes:<br />

la compréhension des événements de leur vie est possible<br />

de par notamment les agencements qu’elles ont réalisés tels<br />

que l’obtention d’un emploi et d’un logement indépendant; les<br />

personnes témoignent également d’une maîtrise de leur vie<br />

en réagissant et combattant les l<strong>im</strong>itations du cadre légal. Dès<br />

lors qu’elles perçoivent certaines améliorations dans le temps<br />

et en comparaison de leur vie dans le pays d’origine, leur séjour<br />

en Suisse prend sens. Pour toutes ces raisons, leur santé<br />

subjective s’en trouve améliorée et elles adoptent des comportements<br />

qui les maintiennent en santé, du moins à court<br />

terme. Mais c’est seulement une fois qu’ils ont accédé à une<br />

situation de vie stable qui va de pair avec les premiers pas<br />

d’intégration, que nos informateurs commencent à se soucier<br />

de leur santé et à s’en occuper. Et ce sont bien les ressources<br />

produites par une activité rémunérée qui leur permettent<br />

d’obtenir cette stabilité et est<strong>im</strong>e d’eux-mêmes. Parce qu’ils<br />

travaillent, ils ont la perspective d’obtenir un permis B, ce qui<br />

leur ouvre la possibilité d’élaborer des perspectives d’avenir.<br />

Face à cet effet stabilisateur, les ressources économiques<br />

crées par l’activité ne sont donc pas les plus <strong>im</strong>portantes. En<br />

bref, ces personnes représentent le groupe le moins précarisé<br />

selon notre échelle. On suppose cependant que ce groupe est<br />

moins nombreux tant il paraît difficile de surpasser les restrictions<br />

juridiques propres à ce permis et leurs conséquences<br />

handicapantes.<br />

A l’autre extrême de l’échelle se trouvent les personnes sans<br />

autorisation de séjour qui n’ont pas trouvé de travail. Dans<br />

ce groupe figurent d’anciens demandeurs d’asile dont la demande<br />

a été refusée. Ces personnes ne disposent d’aucune<br />

ressource institutionnelle. Parallèlement elles ne parviennent à<br />

pallier cette carence par des stratégies individuelles, leur situation<br />

est par conséquent souvent dramatique. Même les aides<br />

d’urgence qui leur sont adressées ne permettent de les aider<br />

dans la mesure où elles ne sont pas suffisamment associées<br />

à des structures indépendantes garantissant aux personnes la<br />

confiance nécessaire pour qu’elles s’y rendent sans craindre<br />

d’être dénoncées aux autorités. Le réseau social s’avère le<br />

seul élément leur permettant de vivre en Suisse. Il demeure<br />

cependant insuffisant à lui seul pour permettre aux personnes<br />

de mobiliser des ressources personnelles. Le passage d’une<br />

situation où l’Etat les prenait complètement en charge lorsque<br />

leur séjour était autorisé (assurance financière et sociale, aide<br />

au logement, etc.) à une situation où le même Etat les exclut<br />

de manière radicale, entre en complète contradiction avec leur<br />

entendement et elles ne parviennent à s’y adapter. Ce changement<br />

brutal et décalage extrême sont responsables non seulement<br />

de leur incompréhension envers le sens de la régulation<br />

étatique qui les a déboutées et qui leur ôte dès lors leurs précédents<br />

droits, mais en outre de la perte de confiance en elles,<br />

ainsi qu’en leur faculté de maîtrise et donc de modification de<br />

leur vie. Cette perte de sens aboutit donc à des conséquences<br />

en chaîne sur les ressources individuelles. L’<strong>im</strong>pact sur la<br />

santé et les comportements de santé est d’ailleurs évident<br />

dans les témoignages souvent dramatiques des personnes<br />

rencontrées. C’est dans ce cadre qu’il faut comprendre les<br />

pensées suicidaires qui ont été évoquées dans plusieurs entretiens.<br />

Pour peu que l’on veuille résoudre l’état de crise actuel<br />

dans lequel se trouvent les personnes déboutées, c’est<br />

donc ce décalage qu’il s’agit de combler (nos recommandations<br />

s’inscrivent d’ailleurs dans cette logique). Des mesures<br />

en aval, d’autant plus si elles sont boiteuses (nous pensons<br />

notamment aux aides d’urgence qui s’avèrent insuffisantes<br />

et inadéquates comme déjà évoqué), ne permettront pas de<br />

réparer les dommages causés par la perte de l’autorisation de<br />

séjour. Si le coût des dommages individuels est dans ce cas<br />

inest<strong>im</strong>able, on peut aussi se demander quels seront les coûts<br />

économiques et en termes d’<strong>im</strong>age de marque pour la Suisse<br />

à long terme.<br />

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