103/104 : Colloque 2003, etc. - Société des Amis d'Alfred Jarry

Laurent de Freitas
mier lieu, elles attestent sans équivoque de l'inscription à Henri-IV d'octobre
1892 à mars 1893, et qu'il ait suivi les cours de Bergson comme « nouveau ».
Voyons par exemple celle de Fargue à Jarry du 16 avril 1893 : « [...] Que se
passe-t-il à Henri-IV... que fait-on; que faites-vous en Philosophie? Bergson
fait-il quelque tentative auprès des petits nouveaux? [...] », ou celle du 5 mai :
« [...] En Philosophie, là-bas, ah, je souhaiterais qu'on fit du Nietsche! [sic] et
que Bergson sût faire une classe unique ! avec l'Au-delà du Bien et du Mal. »
Dans une lettre à sa mère du 3 mai, toujours de Cobourg, Fargue ajoute :
« Mon père doit savoir que le personnel du lycée Henri-IV est entièrement
changé — (on m'y réclame toujours). »
Ces lettres montrent aussi les tentatives de Jarry, et de Fargue, pour
être publiés en participant aux concours de L'Écho de Paris :
« [...] et l'Écho? et la tenue du Concours? Je t'espère une seconde fois
couronné, cela va sans dire. Mais as-tu acquis le montant du premier, et
combien enfin? Ah, toute productivité importe, et mieux toute multiplicité.
.. etc... Je vais donc envoyer, moi. [...] »
Concernant le fameux concours de L'Écho de Paris et la collaboration des
deux à un même texte que Fargue a revendiqué, néanmoins modestement, le
doute repose sur la célèbre lettre de Jarry publiée dans l'hommage à Fargue
des Feuilles Libres de juin 1927, lettre que certains considèrent comme apocryphe.
Nous ne le croyons pas car même s'il modifie un mot ou une phrase
ou deux, Fargue s'appuie toujours sur la réalité, et les détails donnés par Jarry
sont bien ancrés dans le réel. Nous pensons surtout que la date, 1894, ajoutée
par Fargue pour la publication et jamais remise en cause, est approximative.
En 1894, ni Jarry ni Fargue ne seront encore au lycée. Si elle est authentique,
elle est à rajeunir d'un an et serait sûrement de la fin du printemps 1893,
après la fin des cours au lycée, durant la seule période de la tenue des concours
de L'Écho de Paris. Enfin le contenu de la lettre ne précise rien, tout
repose sur la phrase bien vague de Jarry : « Le titre de notre poème s'étale
dans L'Écho », notre de « majesté » qui peut tout à fait concerner, et c'est sans
doute le cas, un autre texte primé que celui revendiqué par Fargue.
Celui-ci précisera en 1929 à Frédéric Lefèvre qu'il avait collaboré à La
Régularité de la châsse, premier écrit publié de Jarry, et primé le 19 mars
1893. Rien ne le prouve, ni d'ailleurs le contraire. S'il y a eu collaboration, ce
que Jarry n'excluait sans doute pas a priori, elle est très vraisemblablement
ponctuelle, une émulation de jeunes, la volonté de « productivité » afin d'être
publié au plus vite. Seul peut-être un vers est de Fargue et son exagération a
fait le reste. Nous ne le saurons sans doute jamais et cela n'a de toute manière
guère d'importance.
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