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103/104 : Colloque 2003, etc. - Société des Amis d'Alfred Jarry

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Jean-Christophe Val tat<br />

IL S'AGIT ici de tenter une lecture de quelques thèmes du Surmâle<br />

à partir de l'éclairage fourni par <strong>des</strong> discours et <strong>des</strong> techniques tirées<br />

du contexte historique, et plus spécifiquement le discours de la psychologie<br />

contemporaine. Si ce discours est évidemment pris dans un réseau<br />

complexe de références et d'allusions, notamment littéraires, il n'en reste<br />

pas moins qu'il est, à mon sens, actif dans la constitution même du personnage<br />

du surmâle, qui est tout à la fois, et dans la plus pathaphysiquement<br />

orthodoxe union <strong>des</strong> contraires, expression radicale de ces discours et contre-modèle.<br />

Si le Surmâle trace le portrait d'un homme pour qui les « forces humaines<br />

n'ont pas de limites »', on ne s'étonnera donc pas qu'il me semble utile<br />

de le replacer dans la production presque industrielle, que le second xix c et<br />

le tout premier xx" siècle consacrent, dans les sciences dures comme dans<br />

les sciences humaines, aux théories portant sur la conservation de l'énergie,<br />

à l'étude de la fatigue ou de la force de travail humaines, notamment dans<br />

un rapport à la machine. Autant de discours qui, dans le contexte immédiat<br />

du Surmâle, deviennent quasiment incontournables. Je ne ferais ici que survoler<br />

ces discours et en signaler certains aspects, mais il est certain qu'un<br />

travail plus détaillé serait nécessaire pour mieux comprendre les enjeux <strong>des</strong><br />

rapports complexes que <strong>Jarry</strong> entretient avec la science de son époque.<br />

Toutes ces théories se situent dans le plan d'une triade ou d'un nœud<br />

épistémique déterminé par la physique, et plus particulièrement la thermodynamique,<br />

par la technologie et le modèle de la machine à vapeur, puis<br />

électrique, comme « machine universelle », par l'économie et la dominance<br />

du concept de travail et de force de travail : autant de discours et de pratiques<br />

renvoyant les uns aux autres par le biais de la métaphore de la force et de ses<br />

transformations 2. Cette conception énergétiste est si présente qu'elle tend à<br />

couvrir la totalité de champs du savoir ainsi qu'en témoigne à sa manière la<br />

triade Elson-Gough-Bathybius, ou chimie-ingéniérie-médecine, tous invités<br />

dans la discusión inaugurale sur les limites de la puissance humaine (et je<br />

n'oublie pas l'ombre que fait peser sur la réunion la présence d'un général, et<br />

à travers lui, celle de la puissance militaire).<br />

1. <strong>Jarry</strong>, Alfred, Le Surmâle (1902), in Œuvres complètes, Pléiade, Gallimard, 1987,<br />

p. 191.<br />

2. voir Rabinbach, Anson, The Human Motor : Energy, Fatigue and the Origins of Modernity,<br />

I 64<br />

Berkeley, University of California Press, 1990, p. 47. Une traduction vient de paraître, La<br />

Fabrique, 2004.

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