103/104 : Colloque 2003, etc. - Société des Amis d'Alfred Jarry

Actes
du colloque 2003
ture, d'esthétique, de musique, de philosophie. Les liaisons entre ces milieux
se fait par Lugné-Poe et le Théâtre de l'Œuvre, qui leur présente Adolphe
Retté, de la revue Art et Critique qui avait justement publié Maurice Denis,
Paul Fort et son Théâtre d'Art, enfin Remy de Gourmont et toute l'équipe
du Mercure de France. Toute cette effervescence ne pouvait évidemment
qu'attirer Fargue et Jarry, avides de rencontres, de nouveautés, et de remise
en question des valeurs.
C'est dans cette atmosphère que, durant l'année scolaire 1892-93, Fargue
et Jarry vont visiter nombre de galeries : chez le père Tanguy, ils admirent les
toiles de Cézanne ou de Van Gogh, mort moins de deux ans auparavant ; chez
Le Barc de Bouteville Les Nabis et Toulouse-Lautrec... C'est à ce moment que
Fargue va rencontrer le jeune peintre-graveur Fabien Launay, dans la galerie de
Le Barc de Bouteville, qui va l'introduire dans une autre bande d'amis, ceux-là
du lycée Condorcet, Francis Jourdain, Louis Rouart, Maurice Cremnitz. C'est
avec eux que la véritable découverte des « nouveautés » en peinture va devenir
le centre de leurs préoccupations. Jourdain et Rouart, à travers, leur famille ont
déjà des connaissances dans le monde de l'art, notamment des impressionnistes,
et Cremnitz présente bientôt Louis Lormel, ami intime d'Emile Bernard, qui
va lancer en octobre 1892 une petite revue, L'Art littéraire 12 . Celle-ci servira
bientôt de support à Fargue et à Jarry pour publier leurs premiers textes, pour
chacun un poème. Fargue précède son ami et donne en février 1893 « Idée de
Retard » 13 tandis qu'il faut attendre décembre 1893 pour que Jarry y publie.
Dans l'intervalle, il est vrai, Jarry avait vu quatre de ses textes primés au concours
de L'Écho de Paris, et publiés. L'Art littéraire va leur offrir une vraie
collaboration régulière, on n'ose dire une tribune vu la faible diffusion, mais on
peut penser que, pour de vrais jeunes, cela en était une.
Fargue à Pont-Aven,
rencontre de Filiger
MAIS AVANT d'en venir au détail de leur collaboration à L'Art littéraire,
plutôt centrée sur le premier semestre 1894, revenons au printempsété
1893 : en mars, Fargue part donc en Allemagne et ne reviendra à Paris
que vers la mi-mai. Deux brèves lettres à Jarry, des 24 mai et 9 juin, simples
histoires de rendez-vous, attestent des rencontres régulières des deux amis
au quartier Latin, notamment à la bibliothèque Sainte-Geneviève toute proche
de Henri-IV où Fargue semble être persona non grata.
12. Sur cette revue, voir l'excellent numéro de L'Étoile Absinthe, 39-40 83
tournées, 1988.
13. L.-P. Fargue, « Idée de retard », L'Art littéraire, n° 3, 2 e
année, fév. 1893, p. 11.
15