103/104 : Colloque 2003, etc. - Société des Amis d'Alfred Jarry
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Jean-Christophe V'aliat<br />
dans les années 90 et révélant que le fonctionnement musculaire choisit<br />
toujours la voie la plus économique lui permet de rêver d'un « optimum mécanique<br />
» pour tout travail musculaire 6. La remarque de Marcueil selon laquelle<br />
« <strong>des</strong> systèmes de muscles et de nerfs complexes jouissent d'un repos absolu<br />
pendant que leur'symétrique'travaille » 7,et qui surprend les savants présents<br />
par sa pertinence, renvoie à cette notion du corps humain comme machine<br />
naturelle aux potentialités virtuellement infinies. On voit donc le surmâle, que<br />
le premier chapitre pose comme un défi à l'assemblée de scientifiques réunis<br />
au château de Lurance, d'emblée soumis à cette équivocité dont je parlais en<br />
introduction, puisque son opposition même à la science de l'époque est faite<br />
du rêve de cette même science d'abolir les limites qu'elle se reconnaît.<br />
CES LIMITES, ou plutôt cette limite, la science ne saurait l'ignorer, porte<br />
simplement le nom de fatigue. Si la fatigue devient rapidement le sujet<br />
central en physiologie et en psychologie, c'est par la borne qu'elle pose précisément<br />
à la métaphore même qui fonde les travaux sur la conservation de<br />
l'énergie et la production de travail : l'humanité ne connaît qu'une loi de la<br />
thermodynamique, et c'est la seconde. Elle est plus particulièrement contrariante<br />
et humiliante dans la comparaison que l'on fait volontiers avec la<br />
machine, et plus encore dans la pratique industrielle concrète qui veut, de<br />
manière croissante, que l'homme soit fixé à <strong>des</strong> machines et contraint de<br />
fonctionner en synergie avec elles. « Nemesis permanente » comme le dit<br />
Rabinbach, de « l'Europe industrialisée »,<br />
« Fatigue thus became the most apparent and distinctive sign of the<br />
external limits of body and mind, the most reliable indicator of the need<br />
to conserve and restrict the waste and misuse of the body's unique capital<br />
- its labor power". »<br />
On ne compte plus les étu<strong>des</strong> sur les causes, l'étendue et les moyens<br />
plus ou moins farfelus de remédier à ce mal du siècle de la part de ce que<br />
Rabinbach appelle une « avant-garde de la fatigue » : jusqu'au vaccin, par<br />
exemple, de Von Weichart, l'antikénotoxine, réputé combattre la toxine spécifique<br />
de la fatigue humaine, et diffusé en 1907 sous forme gazeuse dans<br />
les classes afin de combattre l'inattention <strong>des</strong> élèves. Plus sérieusement,<br />
la pierre de touche du combat perdu contre la fatigue est évidemment la<br />
question du combustible à fournir à la machine entropique humaine, alors<br />
6. Ibid., p. 147<br />
7. <strong>Jarry</strong>, op. cit, p. 192.<br />
8. Rabinbach, op. cit, p. 48.<br />
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