103/104 : Colloque 2003, etc. - Société des Amis d'Alfred Jarry

On trouve en effet dans le descriptif
que fait Jarry lui-même : « épreuve
tirée par l'auteur [...] et enluminée par
ses soins ». La SAAJ fera imprimer une
reproduction couleur prochainement.
Le placement exact des images dans
Les Minutes de sable mémorial et dans
César-Antechrist est-il significatif? Les
éditeurs modernes, avec plus ou moins
de succès, ont certes tenté de rester
fidèle à l'emplacement des gravures,
mais vu que certaines d'entre elles sont
évidemment face à leur texte, alors que
d'autres s'en trouvent éloignées (mais
proches d'un texte avec lequel elles peuvent
néanmoins entrer en résonance), se
pose la question de savoir à quel point
Jarry était réellement libre de mettre
les images où il voulait. Roulliès a eu
l'heureuse idée d'inspecter le brochage
et fit deux découvertes : dans Minutes,
les hors-texte sont en début et en fin de
cahier, par deux, comme si une page double
était venue envelopper chaque cahier
(les gravures ont été tirées à part, ce qui
est logique vu qu'elles sont imprimées
en couleur). Jarry ne pouvait insérer un
hors-texte qu'à certains endroits dans le
livre, et jamais à l'intérieur d'un cahier.
Des trois images « mal placées », si l'on
ne pense qu'à la distance qui sépare
une illustration à son texte-repère, il
y a la première et la dernière, mais en
position de frontispice et placée en fin
de volume elles ouvrent et ferment le
livre admirablement; puis la gravure au
hibou qui correspond aux « Trois meubles
du mage surannés » se trouve près
d'autres hiboux. On ne saura jamais ce
que Jarry pensait du résultat, mais pour
César-Antechrist, Roulliès signale que
les hors-texte sont des pages collées, ce
Testicules
qui confère à Jarry une liberté totale
quant à leur emplacement.
Julien Schuh
AlfredJarry
ou le livre-constellation
Thèse en préparation sous la direction
de Bertrand Marchai
(Université de Paris-IV Sorbonne).
ON CONSTATE que la réception
actuelle de l'œuvre de Jarry dans
la critique littéraire et universitaire est
exemplaire d'une certaine incapacité à
articuler modèles théoriques et histoire
littéraire. Il y a d'un côté le Jarry
« pataphysicien », Jarry précurseur du
surréalisme et de l'Oulipo, un Jarry relu
selon les modèles de ces mouvements
littéraires - c'est le Jarry de Breton,
adepte de l'humour noir, le Jarry du
Collège de 'pataphysique, maître à
penser d'une philosophie de l'absurde,
ou encore le Jarry « précurseur de la
phénoménologie » selon Deleuze. Et il
y a surtout le Jarry dramaturge, le Jarry
d'Antonin Artaud et du renouvellement
du théâtre au début du xxc siècle, dont le
personnage d'Ubu endosse les oripeaux
de toutes les tyrannies. Tous ces Jarrys
sont des reconstructions selon une
perspective postérieure, des adaptations
à une théorie littéraire ou critique.
De l'autre côté, on trouve le Jarry
anecdotique - le gentil garçon sous ses
airs d'automate, qui fréquente le cercle du
Mercure de France, les mardis de la rue de
Rome de Mallarmé, les écrivains de son
temps, qui fonde une revue, L'Ymagier,
avec Remy de Gourmont, avant de se
brouiller définitivement avec lui. De la
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