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— Je savais encore autre chose, mon ami. Récemment de passage dans Harley Street, je<br />
vous ai aperçu alors que vous sortiez de chez un médecin dont je connais la spécialité. J’ai vu<br />
l’expression que reflétait votre visage ; je ne l’ai remarquée qu’une fois ou deux dans ma vie.<br />
Pourtant, je ne puis l’oublier. Vous ressembliez à un homme qui vient d’entendre sa<br />
condamnation à mort. Je ne me trompe pas ?<br />
— Il m’a donné deux mois.<br />
— Vous ne m’avez pas reconnu, parce que vous aviez d’autres idées en tête. J’ai lu encore<br />
dans votre regard, un sentiment que les hommes cherchent généralement à dissimuler : la<br />
haine. Vous, vous ne cherchiez pas à la dissimuler, car vous ne vous saviez pas observé.<br />
— Continuez.<br />
— Il n’y a plus beaucoup à dire. Passant aujourd’hui dans la région, j’ai remarqué par<br />
hasard le nom de Langton dans le livre du pharmacien et, comme je vous le disais, je l’ai<br />
rencontré avant de vous rendre visite. Je vous ai tendu des pièges, vous avez nié avoir<br />
demandé à Langton d’acheter du cyanure, ou plutôt vous avez joué la surprise. Ma visite<br />
vous a, tout d’abord, déconcerté, mais bien vite vous avez réalisé à quel point mon<br />
témoignage arrangerait les choses et vous avez encouragé mes soupçons. Je savais, par<br />
Langton lui-même, qu’il devait venir ici à huit heures trente. Vous m’avez dit neuf heures,<br />
pensant que j’arriverais pour constater les dégâts.<br />
— Pourquoi êtes-vous venu ? Pourquoi ?<br />
<strong>Poirot</strong> se redressa.<br />
— Je vous l’ai déjà dit, le meurtre est mon affaire.<br />
— Meurtre ? Vous voulez dire suicide.<br />
— Oh ! non ! Je dis bien : meurtre. Votre mort devait être rapide et facile, mais celle que<br />
vous réserviez à Langton est la pire que doive endurer un homme. Il a acheté le poison, il<br />
vient vous voir, et il reste seul avec vous. Vous mourez brusquement, le cyanure est trouvé<br />
dans votre verre et Claude Langton devra payer de sa vie. C’était bien là votre plan ?<br />
À nouveau, Harrison gémit :<br />
— Pourquoi êtes-vous venu ?<br />
— Parce que c’était mon devoir, cependant j’étais poussé par une autre raison : vous<br />
m’étiez sympathique. Écoutez, Harrison, vous êtes atteint d’un mal incurable, vous avez<br />
perdu la jeune fille que vous aimiez, mais vous n’avez pas l’étoffe d’un criminel. Dites-moi à<br />
présent, êtes-vous soulagé ou regrettez-vous encore que je sois venu ?<br />
Après un long silence, Harrison se redressa. Son visage reflétait une nouvelle dignité,<br />
l’expression d’un homme qui a surmonté sa lâcheté. Il tendit la main à travers la table.<br />
— Dieu merci, vous êtes arrivé à temps, monsieur <strong>Poirot</strong> !