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membres de la famille s’assirent autour de la table.<br />
— La température est très différente de celle d’hier, remarqua Dinsmead, en jetant un<br />
coup d’œil vers la fenêtre.<br />
— Oui, répondit son mari, la nuit est si tranquille qu’on pourrait entendre tomber une<br />
épingle. Verse le thé, veux-tu ?<br />
Mrs Dinsmead obéit et distribua les tasses, mais tandis qu’elle déposait la théière, elle<br />
poussa un petit cri et appuya une main contre son cœur. Son mari se tourna et suivit la<br />
direction de son regard terrifié. Mortimer Cleveland était debout sur le seuil.<br />
Il avança d’un air aimable et dit : « Je crains de vous avoir fait peur, il m’a fallu revenir<br />
chercher quelque chose. »<br />
— Chercher quelque chose, répéta Dinsmead dont le visage était devenu pourpre et dont<br />
les veines ressemblaient à des cordes, je voudrais bien savoir quoi.<br />
— Un peu de thé, répondit Mortimer qui sortit rapidement quelque chose de sa poche,<br />
saisit une des tasses à thé et en versa le contenu dans un tube à essai qu’il tournait de sa<br />
main gauche.<br />
— Que faites-vous, haleta Dinsmead, dont le visage était devenu blême, de pourpre qu’il<br />
était. Sa femme jeta un petit cri de terreur.<br />
— Je pense que vous lisez les journaux, monsieur, j’en suis même sûr ; on y lit parfois le<br />
compte rendu de l’empoisonnement d’une famille entière. Certains membres se remettent,<br />
d’autres, non.<br />
Dans votre cas particulier, l’un d’eux serait mort et on supposerait d’abord que la conserve<br />
que vous aviez mangée était fautive. Toutefois, si le médecin était d’un naturel soupçonneux,<br />
il aurait vu le paquet d’arsenic dans votre garde-manger ; il y a du thé sur l’étagère du<br />
dessous, tandis que dans l’étagère supérieure, il y a un trou. On admettait alors que l’arsenic<br />
a contaminé le thé, par hasard. Votre fils Johnnie, pourrait être accusé de négligence, sans<br />
plus.<br />
— Je… je ne comprends pas, haleta Dinsmead.<br />
— Je crois que si, répondit Cleveland, en prenant une deuxième tasse et en remplissant<br />
un deuxième tube à essai. Il colla une étiquette rouge sur le premier et une bleue sur l’autre,<br />
puis il déclara :<br />
— Le tube à l’étiquette rouge contient du thé provenant de la tasse de votre fille<br />
Charlotte, l’autre de votre fille Magdeleine ; je suis prêt à jurer que je trouverai dans le<br />
premier quatre ou cinq fois plus d’arsenic que dans le second.<br />
— Vous êtes fou, murmura Dinsmead.<br />
— Sûrement pas ; vous m’avez dit aujourd’hui, monsieur, que Magdeleine n’était pas<br />
votre fille, vous m’avez menti. Magdeleine est votre fille et Charlotte est celle que vous avez<br />
adoptée, elle ressemble tellement à sa mère que, quand j’ai eu entre les mains la miniature<br />
représentant cette dernière, j’ai cru que c’était le portrait de Charlotte. Vous vouliez que<br />
votre fille héritât la fortune et, comme il vous serait impossible de cacher Charlotte et,<br />
comme quelqu’un ayant connu sa mère aurait pu se rendre compte de la vérité, vous vous<br />
êtes décidé à glisser une pincée d’arsenic au fond de sa tasse.<br />
Mrs Dinsmead poussa un éclat de rire strident et fut prise d’une violente crise de nerfs :<br />
— Du thé, grinça-t-elle, voilà ce qu’il a dit, du thé, pas de la limonade.<br />
— Ne peux-tu te taire, hurla son mari furieux.<br />
Mortimer vit Charlotte qui le regardait, les yeux exorbités, puis, il sentit une main sur son