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— Peut-être est-elle simplement entrée par la fenêtre, à cheval sur un balai. Je dois dire<br />
qu’elle s’est, à présent, intégrée au décor. Il m’est difficile d’imaginer la pièce sans elle, n’estce<br />
pas ?<br />
— C’est vrai, – répondit Sybil avec un petit frisson – toutefois je souhaiterais que ce ne<br />
soit pas aussi évident.<br />
— Deviendrions-nous toutes obsédées par cette poupée ? Qu’est-ce qu’elle a donc<br />
d’extraordinaire ? Pour moi, elle ressemble à un vieux chou, mais cela vient probablement du<br />
fait que je n’ai pas mis mes lunettes. – Elle les posa sur son nez et fixa l’intéressée. – Oui, je<br />
vois ce que vous voulez dire, Sybil. Elle est un peu effrayante… Elle a l’air triste et<br />
cependant… futé et même volontaire.<br />
— J’ai été surprise de ce que Mrs Fellow-Brown la prenne en grippe.<br />
— Les gens ressentent parfois des aversions soudaines.<br />
— Peut-être que la poupée n’est ici que depuis hier… Elle aura pu… arriver par la fenêtre,<br />
comme vous le disiez.<br />
— Non, je suis sûre qu’elle est ici depuis un certain temps, mais sa présence ne nous est<br />
devenue sensible qu’hier.<br />
— Oui, c’est l’impression qu’elle me donne.<br />
— Cessons ce bavardage avant qu’il ne prenne une tournure plus sérieuse. Voyons, il<br />
serait ridicule d’attribuer un pouvoir surnaturel à cette chose inerte. – Elle prit la poupée, la<br />
secoua, arrangea ses manches et l’assit dans un autre fauteuil. Aussitôt, le pantin de son<br />
glissa légèrement et se détendit. – En apparence, elle est inanimée et cependant elle donne<br />
l’impression d’être vivante, vous ne trouvez pas, Sybil ?<br />
— Oh ! ça m’a donné un de ces chocs ! haleta Mrs Groves en pénétrant dans le salon de<br />
Miss Coombe, armée de son plumeau. Maintenant j’ai la frousse de retourner dans le salon<br />
d’essayage.<br />
— Qu’est-ce qui vous a mise dans cet état-là ? demanda Miss Coombe en levant les yeux<br />
de son livre de comptes. Elle ajouta aussitôt, plus pour elle-même que pour Mrs Groves :<br />
Cette femme s’imagine qu’elle peut obtenir chaque année deux robes de soirée, trois robes<br />
de cocktails et un ensemble sans me payer un sou ! Vraiment, la mentalité de certaines<br />
clientes…<br />
— C’est cette poupée, plaça Mrs Groves en hésitant.<br />
— Quoi, encore la poupée ?<br />
— Elle est assise devant le secrétaire, tout comme un être humain. Dieu ! ça m’a fait un<br />
drôle d’effet !<br />
— De quoi parlez-vous ?<br />
Alicia Coombe se leva, traversa le palier et ouvrit la porte du salon d’essayage. Devant le<br />
petit secrétaire qui occupait un coin de la pièce, la poupée était assise, très droite, ses longs<br />
bras étendus sur le pupitre.<br />
— Quelqu’un aime encore jouer à la poupée – remarqua Miss Coombe. Quelle idée de<br />
l’avoir assise ainsi ! Elle paraît presque naturelle.<br />
Sybil Fox arriva de l’atelier chargée d’une robe qui devait être essayée dans la matinée.<br />
— Venez voir, Sybil. Notre poupée se trouve à mon bureau, occupée à écrire ma<br />
correspondance. C’est vraiment absurde ! Je me demande qui l’a installée là. Est-ce vous ?<br />
— Non. Il doit probablement s’agir d’une ouvrière.