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— Je comprends que deux jolies jeunes filles comme les vôtres se trouvent un peu isolées<br />
ici, dit Cleveland.<br />
— Elles ne sont pas laides, n’est-ce pas ? répondit Dinsmead, avec une fierté toute<br />
paternelle. Certes, elles ne ressemblent ni à leur mère, ni à moi, car nous ne sommes pas<br />
très beaux, mais nous sommes profondément attachés l’un à l’autre, n’est-ce pas, Maggie ?<br />
Mrs Dinsmead sourit un peu ; elle avait recommencé à tricoter et ses aiguilles cliquetaient<br />
car elle allait très vite.<br />
Peu après, les sœurs revinrent déclarer que la chambre était prête et Mortimer, après<br />
avoir remercié de nouveau, dit qu’il allait se reposer.<br />
— As-tu mis une boule d’eau chaude dans le lit ? demanda Mrs Dinsmead.<br />
— Oui, maman, deux.<br />
— C’est parfait, déclara son mari.<br />
— Montez, mes petites et assurez-vous que notre hôte n’a besoin de rien d’autre.<br />
Magdeleine passa la première en tenant haut la chandelle.<br />
Charlotte suivit. La chambre était agréable, petite, mansardée, mais le lit paraissait<br />
confortable et les quelques meubles étaient de vieil acajou. Un grand pot d’eau chaude était<br />
posé dans la cuvette, un pyjama très vaste étalé sur une chaise et le lit préparé.<br />
Magdeleine s’approcha de la fenêtre pour s’assurer qu’elle était bien fermée. Charlotte<br />
jeta un dernier regard sur la table de toilette, puis toutes deux se dirigèrent vers la porte.<br />
— Bonsoir, monsieur. Vous êtes sûr qu’il ne vous manque rien ?<br />
— Non, merci, mesdemoiselles ; j’ai honte de vous avoir donné tant de peine. Bonsoir.<br />
— Bonsoir.<br />
Elles sortirent en fermant la porte derrière elles. Mortimer Cleveland resta seul et se<br />
déshabilla lentement d’un air pensif. Lorsqu’il eut revêtu le pyjama rose de Mr Dinsmead, il<br />
rassembla ses vêtements mouillés et les mit dans le corridor ainsi que son hôte le lui avait<br />
conseillé.<br />
La voix basse de Dinsmead montait du rez-de-chaussée. Que cet homme était donc<br />
bavard ! Et d’ailleurs bizarre !… Mais en réalité il émanait quelque chose d’étrange de toute<br />
cette famille… à moins que ce ne fût seulement son imagination à lui. Il rentra dans sa<br />
chambre, ferma la porte, puis demeura debout auprès du lit, perdu dans ses pensées. Tout à<br />
coup il tressaillit : la table en acajou proche du lit était couverte de poussière et, dans cette<br />
poussière, on avait tracé trois lettres, fort visibles : S. O. S.<br />
Mortimer sursauta comme s’il ne pouvait en croire ses yeux. Il y avait là une confirmation<br />
de tous ses vagues pressentiments, il existait quelque chose d’anormal dans cette maison.<br />
S. O. S. ! Un appel au secours. Mais, quelle main l’avait écrit dans la poussière, celle de<br />
Magdeleine ou celle de Charlotte ? Cleveland se souvenait qu’elles étaient restées toutes<br />
deux, au même endroit, pendant un instant avant de sortir de la pièce. Laquelle avait<br />
furtivement touché la table pour y inscrire ces trois lettres ?<br />
Il évoqua les deux visages : celui de Magdeleine était sombre et fermé et celui de<br />
Charlotte, avec ses grands yeux, exprimait l’effroi, son regard avait même une étrange lueur.<br />
Il alla jusqu’à la porte et l’ouvrit. La voix sonore de Mr Dinsmead ne se faisait plus entendre,<br />
la maison était calme. Mortimer pensa : « Je ne puis rien faire ce soir. Demain… nous<br />
verrons. »<br />
Cleveland s’éveilla tôt et descendit dans le jardin, la matinée était fraîche et ensoleillée.