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dans le feu de leur querelle, était entré portant un plateau. Son visage de serviteur bien<br />
stylé, était impassible, mais Dermot se demanda ce qu’il avait entendu.<br />
— Très bien, Johnson, lui dit son maître. Vous pouvez aller vous coucher.<br />
— Merci, monsieur, bonne nuit, monsieur.<br />
Le domestique sortit.<br />
L’oncle et le neveu se regardèrent, calmés par cette interruption. Dermot dit :<br />
— Mon oncle, je n’aurais pas dû te parler ainsi. Je comprends que tu as, du point de vue<br />
auquel tu te places, parfaitement raison. Mais j’aime Claire Trent depuis longtemps et ne lui<br />
en ai jamais rien dit parce que Jack est mon meilleur ami. Mais, vu les circonstances, cela ne<br />
compte plus et l’idée qu’une question d’argent puisse me retenir est absurde. Je crois que<br />
nous avons dit tout ce qui importait. Bonsoir.<br />
— Dermot…<br />
— Il est tout à fait inutile de discuter. Bonsoir, mon oncle. Je suis désolé, mais la cause<br />
est entendue.<br />
Il sortit rapidement et ferma la porte. Le vestibule était dans l’obscurité. Dermot le<br />
traversa, ouvrit la porte extérieure, sortit dans la rue et claqua le battant derrière lui. Un taxi<br />
venait de déposer des clients un peu plus haut. Dermot le héla et se fit conduire à la salle<br />
Grafton.<br />
Arrivé sur le seuil de la salle de bal, il resta debout un instant pris de vertige. La bruyante<br />
musique de jazz, les femmes souriantes, il lui semblait avoir passé dans un autre<br />
hémisphère. Avait-il rêvé ? Cette sombre conversation avec son oncle avait-elle vraiment eu<br />
lieu ? Tout à coup, Claire passa devant lui, en dansant. Dans sa robe blanche et argent qui la<br />
gainait étroitement, elle avait l’air d’un grand lis ; elle lui sourit, son visage était calme. Il<br />
devait avoir rêvé.<br />
La danse s’achevait et, bientôt Claire était auprès de lui… Il l’invita à danser et, tandis<br />
que la discordante musique recommençait elle était dans ses bras.<br />
Tout à coup, il la sentit fléchir et lui demanda :<br />
— Êtes-vous fatiguée, voulez-vous que nous nous arrêtions ?<br />
— Oui, si cela ne vous ennuie pas. Tâchons de trouver un coin où nous puissions parler.<br />
J’ai quelque chose à vous dire.<br />
Ce n’était pas un rêve. Dermot retomba sur la terre. Comment avait-il pu croire que son<br />
visage était serein ? Il était au contraire plein de terreur. Que savait-elle au juste ?<br />
Il trouva un coin tranquille et s’assit auprès d’elle.<br />
— Alors, dit-il en affichant une gaieté qu’il n’éprouvait pas. Vous avez quelque chose à me<br />
dire ?<br />
— Oui… Elle baissait les yeux et jouait nerveusement avec la frange de sa ceinture. Mais<br />
c’est assez difficile.<br />
— Dites-le moi tout de même.<br />
— Voici : je voudrais que vous… partiez pendant quelque temps. Il fut stupéfait car il<br />
s’attendait à tout, sauf à cela.<br />
— Vous voulez que je parte ? Pourquoi ?<br />
— Il vaut mieux être sincère, n’est-ce pas ? Je sais que vous êtes un homme d’honneur, et<br />
aussi mon ami… Je désire que vous partiez parce que… je me suis éprise de vous…<br />
— Claire…<br />
Il ne savait que répondre ; elle reprit :