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Une peur affreuse s’empara de Dermot. Son oncle croyait-il vraiment ? Et voulait-il faire<br />
comprendre sa pensée ? C’était impossible mais…<br />
— Dire que tout cela viendrait du refoulement, soupira Mrs Eversleigh. Je comprends fort<br />
bien qu’il faut faire très attention à… à ne pas faire connaître sa personnalité car le danger<br />
est épouvantable.<br />
— Vous m’avez mal compris, chère madame, s’écria Sir Alington. Le danger réside dans la<br />
matière cérébrale, il est parfois causé par un choc mais parfois aussi, il est hélas ! congénital.<br />
— L’hérédité est une chose bien triste, soupira la jeune sotte. Il y a la tuberculose et tout<br />
le reste.<br />
— La tuberculose n’est pas héréditaire, répliqua le médecin d’un ton sec.<br />
— Vraiment ? j’avais toujours cru qu’elle l’était. Et la folie se transmet donc ? C’est<br />
effrayant ! Quelles autres maladies peuvent l’être ?<br />
— La goutte, répondit Alington en souriant et le daltonisme. Dans ce dernier cas, c’est<br />
assez intéressant : il se transmet directement au mâle, mais il est latent chez les femelles.<br />
De sorte qu’il y a beaucoup de daltoniens, mais une femme doit avoir une mère daltonienne<br />
à l’état latent et un père qui l’était nettement. Toutefois, le cas se présente rarement et c’est<br />
ce qu’on appelle l’hérédité limitée par le sexe.<br />
— Que c’est intéressant, mais il n’en est pas de même pour la folie ?<br />
— Elle peut être transmise aux deux sexes indifféremment, répondit Sir Alington. Je suis<br />
venu tout exprès pour voir cette étonnante Mrs Thomson. Pourtant il n’a pas été nécessaire<br />
de me supplier, ajouta-t-il galamment.<br />
Claire acquiesça d’un sourire et sortit de la pièce une main posée sur l’épaule de Mrs<br />
Eversleigh.<br />
— Je crains d’avoir « parlé boutique » fit observer le savant en reprenant son siège.<br />
Excusez-moi, mon cher.<br />
— Aucune importance, répondit Trent d’un air indifférent. Mais il paraissait tourmenté,<br />
inquiet et, pour la première fois Dermot se sentit de trop en compagnie de son ami. Il y avait<br />
entre eux un secret qu’ils ne pouvaient partager, malgré leur vieille intimité. Pourtant la<br />
chose était invraisemblable, car, en somme, sur quoi se basait-il ? Sur deux regards et une<br />
nervosité de femme ?<br />
Ils ne s’attardèrent pas sur leur porto et entrèrent dans le salon juste au moment où l’on<br />
annonçait Mrs Thomson.<br />
Le médium était une femme replète, d’âge moyen, affreusement vêtue de velours<br />
grenat ; sa voix sonore était plus encore vulgaire.<br />
— J’espère ne pas être en retard, dit-elle à Claire. Vous aviez bien dit neuf heures, n’estce<br />
pas ?<br />
— Vous êtes absolument à l’heure, madame, répondit Mrs Trent de sa douce voix quelque<br />
peu voilée. Notre petit cercle est au complet.<br />
Suivant une coutume habituelle, aucune autre présentation n’eut lieu mais le médium jeta<br />
sur l’assistance un regard pénétrant.<br />
— J’espère que nous aurons de bons résultats, dit-elle gaiement. Je ne saurais vous dire à<br />
quel point j’ai horreur de ne pas réussir quand je sors. Je pense que Shiromako (mon contact<br />
japonais) pourra venir ce soir ; je me sens en pleine forme et j’ai au dîner refusé un plat que<br />
j’aime et qui est lourd.<br />
Dermot écoutait, il était à moitié amusé, à moitié écœuré. Que tout ceci était donc