http://www.jeuverbal.fr Spitzer, L'effet de sourdine ... - le jeu verbal
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nous révè<strong>le</strong> l'i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux personnages en scène :<br />
Qui l'eût dit, qu'un rivage à mes voeux si funeste,<br />
Présenterait d'abord Pyla<strong>de</strong> aux yeux d'Oreste?<br />
<strong>http</strong>://<strong>www</strong>.<strong><strong>jeu</strong><strong>verbal</strong></strong>.<strong>fr</strong><br />
Mais c'est plus que cela. C'est aussi une référence à la légen<strong>de</strong> par laquel<strong>le</strong> Oreste<br />
est connu. Prononcer ce nom, c'est renvoyer à <strong>de</strong>s faits extérieurs à la pièce, comme <strong>le</strong><br />
font <strong>le</strong>s si, qui présupposent la familiarité du <strong>le</strong>cteur avec la situation (ami si fidè<strong>le</strong><br />
[enten<strong>de</strong>z comme Pyla<strong>de</strong>], un rivage à mes voeux si funeste [comme celui-ci]). En<br />
parlant <strong>de</strong> lui-même, Oreste évoque l'Oreste légendaire, il se voit pour ainsi dire luimême<br />
en personnage <strong>de</strong> théâtre : il, acquiert ainsi une souveraine majesté, une dignité<br />
sur laquel<strong>le</strong> il peut s'appuyer. Il peut même faire usage <strong>de</strong>s épithètes constantes que <strong>le</strong><br />
poète épique acco<strong>le</strong> à ses personnages :<br />
I, 1 :<br />
Je te vis à regret, en cet état funeste,<br />
Prêt à suivre partout <strong>le</strong> déplorab<strong>le</strong> Oreste.<br />
Ce n'est pas par hasard qu'Oreste, poursuivi et se sachant poursuivi par <strong>le</strong> Destin,<br />
se voit lui-même dans l'optique du <strong>de</strong>stin, que sa conscience <strong>de</strong> lui-même est à ce point<br />
troublée qu'il se sent plus « Oreste » que « Moi » :<br />
II, 2 :<br />
... et <strong>le</strong> <strong>de</strong>stin d'Oreste<br />
Est <strong>de</strong> venir sans cesse adorer vos attraits<br />
Et <strong>de</strong> jurer toujours qù'il n'y viendra jamais<br />
…<br />
Mais, <strong>de</strong> grâce, est-ce à moi que ce discours s'adresse?<br />
Ouvrez vos yeux : songez qu'Oreste est <strong>de</strong>vant vous,<br />
Oreste, si longtemps l'objet <strong>de</strong> <strong>le</strong>ur courroux!<br />
IV, 3 :<br />
Ah, Madame! est-il vrai qu'une fois<br />
Oreste en vous cherchant obéisse à vos lois!<br />
Chez Oreste, cela pourrait s'expliquer par la démence contre laquel<strong>le</strong> il se débat.<br />
Mais en fait tous <strong>le</strong>s personnages <strong>de</strong> Racine changent la tunique <strong>de</strong> Nessus du Moi pour<br />
la toge, plus digne, <strong>de</strong> <strong>le</strong>ur nom propre officiel. Nous avons déjà vu :<br />
Captive, toujours triste, importune à moi-même,<br />
Pouvez-vous souhaiter qu'Andromaque vous aime?<br />
Andromaque, c'est tout <strong>le</strong> personnage <strong>de</strong> la veuve d'Hector, con<strong>de</strong>nsé dans <strong>le</strong><br />
nom propre, c'est la personnalité d'Andromaque ramassée en une unité, déterminant<br />
chaque décision isolée. Quand on s'appel<strong>le</strong> Andromaque, nob<strong>le</strong>sse oblige : Andromaque<br />
se place au niveau du fait général. El<strong>le</strong> ne peut que passagèrement et accessoirement<br />
être el<strong>le</strong>-même, l'instant d'après il lui faut se ressaisir, retrouver la gran<strong>de</strong>ur, la maîtrise<br />
classique. Le nom est en quelque sorte l'impératif catégorique du personnage - mais cet<br />
impératif moral a quelque chose <strong>de</strong> didactique, <strong>de</strong> réf<strong>le</strong>xif, d'atténuant; il tue <strong>le</strong> lyrisme.<br />
Andromaque se voit comme l'image d'el<strong>le</strong>-même; cf. III, 8 (c'est Andromaque qui par<strong>le</strong>)<br />
Peins-toi dans ces horreurs Andromaque éperdue.<br />
Mais Andromaque n'est pas la seu<strong>le</strong> assujettie à sa dignité, sa riva<strong>le</strong> Hermione<br />
l'est autant :<br />
<strong>Spitzer</strong>, L’effet <strong>de</strong> <strong>sourdine</strong> dans <strong>le</strong> sty<strong>le</strong> classique : Racine. 10