http://www.jeuverbal.fr Spitzer, L'effet de sourdine ... - le jeu verbal
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<strong>http</strong>://<strong>www</strong>.<strong><strong>jeu</strong><strong>verbal</strong></strong>.<strong>fr</strong><br />
Dans <strong>le</strong>s temps <strong>de</strong> la narration, on ne trouve pas chez Racine la démesure<br />
juvéni<strong>le</strong> et irréfléchie d'un Veni-vidi-vici, ni même la répétition théâtra<strong>le</strong> « Catilina abiit,<br />
excessit, evasit, erupit ». Quand Phèdre avoue, accablée, abattue (I, 3) :<br />
Je <strong>le</strong> vis, je rougis, je pâlis à sa vue,<br />
il s'agit plutôt d'un délabrement continu que d'un épanouissement rhétorique; <strong>le</strong><br />
crescendo stylistique sert à dépeindre <strong>le</strong> <strong>de</strong>crescendo <strong>de</strong>s forces <strong>de</strong> Phèdre. Un procédé<br />
stylistique en « Veni-vidi-victus sum » (pour reprendre sous une autre forme un terme<br />
technique <strong>de</strong> Hatzfeld). Racine reprend la forme du sty<strong>le</strong> antique, mais il l'assourdit en lui<br />
donnant une âme. Le cri aigu <strong>de</strong> la forme stylistique exprimant l'égarement est absorbé,<br />
il ne reste plus que <strong>le</strong> schéma stylisant. Mais là où l'oreil<strong>le</strong> <strong>de</strong> l'auditeur est réel<strong>le</strong>ment<br />
captée par un récit <strong>de</strong> faits concrets, l'asyndète n'intervient pas; ainsi dans <strong>le</strong> récit <strong>de</strong><br />
Théramène, à l'apparition du monstre:<br />
Phèdre, V, 6 :<br />
L'on<strong>de</strong> approche, se brise et vomit à nos yeux,<br />
Parmi <strong>de</strong>s fiots d'écume, un monstre furieux.<br />
(Et ainsi <strong>de</strong> suite: « L'essieu crie et se rompt »; <strong>le</strong> cri du i est atténué par l'élément <strong>de</strong><br />
liaison et qui <strong>le</strong> suit immédiatement!)<br />
L'asyndète par laquel<strong>le</strong> <strong>le</strong>s Anciens dépeignaient, excusaient aussi <strong>le</strong> désordre, la<br />
promiscuité (Térence: Persuasit nox amor vinum ado<strong>le</strong>scentia. Humanum est), semb<strong>le</strong><br />
inconnue à Racine, homme d'ordre. Il connaît en revanche la con<strong>de</strong>nsation <strong>de</strong><br />
différents composants, différents éléments en un tout homogène par l'emploi du<br />
mot tout en résumé <strong>de</strong> plusieurs substantifs (ou infinitifs, etc.) : ordre et clarté<br />
suprêmes, maîtrise <strong>de</strong> la contingence - la forme stylistique « d'un coeur toujours maître<br />
<strong>de</strong> soi » :<br />
Andr., IV, 5 :<br />
Quoi! sans que ni serment ni <strong>de</strong>voir vous retienne,<br />
Rechercher une Grecque, amant d'une Troyenne,<br />
Me quitter, me reprendre, et retourner encor<br />
De la fil<strong>le</strong> d'Hélène à la veuve d'Hector,<br />
Couronner tour à tour l'esclave et la princesse,.<br />
Immo<strong>le</strong>r Troie aux Grecs, aux fils d'Hector la Grèce,<br />
Tout cela part d'un coeur toujours maître <strong>de</strong> soi.<br />
Baj., I, 1 :<br />
Tout conspirait pour lui: ses soins, sa complaisance,<br />
Ce secret découvert, et cette intelligence,<br />
Soupirs d'autant plus doux qu'il <strong>le</strong>s fallait ce<strong>le</strong>r,<br />
L'embarras irritant <strong>de</strong> ne s'oser par<strong>le</strong>r,<br />
Même témérité, périls, craintes communes,<br />
Lièrent pour jamais <strong>le</strong>urs coeurs et <strong>le</strong>urs fortunes.<br />
(Un passage très voisin <strong>de</strong> celui-ci se trouve dans Andr., II, 1, avec éga<strong>le</strong>ment tout<br />
conspirait pour lui.)<br />
I, 3 :<br />
Quoi, Madame! <strong>le</strong>s soinsl a pris pour vous plaire,<br />
Ce que vous avez fait, ce que vous pouvez faire,<br />
Ses périls, ses respects, et surtout vos APPAS,<br />
Tout cela <strong>de</strong> son coeur ne vous répond-il pas?<br />
II, 5 :<br />
Quoi cet amour si tendre, et né dans notre enfance,<br />
Dont <strong>le</strong>s feux avec nous ont crû dans <strong>le</strong> si<strong>le</strong>nce<br />
Vos larmes que ma main pouvait seu<strong>le</strong> arrêter;<br />
<strong>Spitzer</strong>, L’effet <strong>de</strong> <strong>sourdine</strong> dans <strong>le</strong> sty<strong>le</strong> classique : Racine. 53