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http://www.jeuverbal.fr Spitzer, L'effet de sourdine ... - le jeu verbal

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<strong>http</strong>://<strong>www</strong>.<strong><strong>jeu</strong><strong>verbal</strong></strong>.<strong>fr</strong><br />

[1935J, 105; d'accord avec son collègue et compatriote, <strong>le</strong> linguiste Brunot [voir plus<br />

haut]): « Si conservateur que l'on soit, il faut avouer que Shakespeare et Racine sont,<br />

<strong>de</strong>s auteurs du passé, pour la langue comme pour <strong>le</strong> fond » ; et ses adversaires, <strong>le</strong>s<br />

tenants du classicisme, doivent reconnaître ce fait (Bou<strong>le</strong>nger-Thérive, Les Soirées du<br />

Grammaire-club, p. 45) : « Le public <strong>de</strong> la Comédie-Française qui écoute une tragédie <strong>de</strong><br />

Racine, aujourd'hui, ne saisit plus un tiers du texte... je gagerais qu'il n'a même pas la<br />

patience d'écouter jusqu'au bout <strong>le</strong>s phrases un peu longues. » Pour ma part, je dirais :<br />

Racine nous reste (aux Français, et à tout <strong>le</strong> mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> la littérature) éternel<strong>le</strong>ment<br />

proche, parce qu’il reste éternel<strong>le</strong>ment éloigné <strong>de</strong> nous. La distance qui sépare sa<br />

langue <strong>de</strong> la nôtre interdit la promiscuité avec Racine; il est fort possib<strong>le</strong> que la proximité<br />

linguistique <strong>de</strong>s Goncourt agace un nombre déjà grand <strong>de</strong> <strong>le</strong>cteurs actuels, <strong>de</strong> même que<br />

maint tab<strong>le</strong>au impressionniste, alors qu'un Clau<strong>de</strong> Lorrain ou un Poussin nous sont<br />

éternel<strong>le</strong>ment proches, par <strong>le</strong> <strong>jeu</strong> même <strong>de</strong> <strong>le</strong>ur éloignement. Les images voilées incitent<br />

à percer <strong>le</strong> voi<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s images déjà dévoilées n'ont plus rien à nous révé<strong>le</strong>r; l'impératif<br />

dynamique se trouve du côté <strong>de</strong>s premières. Et cet éloignement précisément est un<br />

élément poétique. Un portrait <strong>de</strong> la Renaissance, avec ses costumes et sa disposition,<br />

nous est étranger, mais ce dépaysement nous invite à <strong>le</strong> surmonter. J'aboutis donc à une<br />

formulation aussi paradoxa<strong>le</strong> que Thérive dans son livre Le <strong>fr</strong>ançais, langue morte? : <strong>de</strong><br />

même qu'il prise dans la langue littéraire <strong>fr</strong>ançaise ce qu'el<strong>le</strong> a <strong>de</strong> « mort », parce que<br />

c'est l'unique part <strong>de</strong>meurant vivante dans l'évolution naturel<strong>le</strong> dévastatrice <strong>de</strong> la langue,<br />

<strong>de</strong> même je ne vois que l'écart délibéré, la singularité, la distance <strong>de</strong> la langue <strong>de</strong> Racine<br />

pour échapper à toute promiscuité vulgaire, au dégoût <strong>de</strong> toute approche<br />

intempestive*.Il est bon <strong>de</strong> s'af<strong>fr</strong>anchir d'une idée par trop trivia<strong>le</strong> et chaotique <strong>de</strong> la vie<br />

du mon<strong>de</strong> et <strong>de</strong> l'âme, d'opposer au « Tout s'écou<strong>le</strong> » un « Certaines choses restent en<br />

place ». Racine aurait pu dire ce que son admirateur Napoléon disait sur son propre<br />

compte, la « formu<strong>le</strong> grecque » que Nietzsche allait reprendre: « J'ai refermé <strong>le</strong> gouf<strong>fr</strong>e<br />

anarchique et débrouillé <strong>le</strong> chaos. J'ai ennobli <strong>le</strong>s peup<strong>le</strong>s ».<br />

<strong>Spitzer</strong>, L’effet <strong>de</strong> <strong>sourdine</strong> dans <strong>le</strong> sty<strong>le</strong> classique : Racine. 75

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