http://www.jeuverbal.fr Spitzer, L'effet de sourdine ... - le jeu verbal
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<strong>http</strong>://<strong>www</strong>.<strong><strong>jeu</strong><strong>verbal</strong></strong>.<strong>fr</strong><br />
Peut-être extrême et funeste servent-ils aussi à ennoblir poétiquement <strong>le</strong> mot<br />
banal <strong>de</strong> désordre. Très souvent, extrême accompagne un substantif exprimant un<br />
mouvement <strong>de</strong> l'âme, exorcisant par la paro<strong>le</strong> toutes <strong>le</strong>s « extremida<strong>de</strong>s » <strong>de</strong> la passion<br />
(comme on dit en espagnol) : extrême <strong>de</strong>vient alors une formu<strong>le</strong> pathétique.<br />
Andr., III, 1 :<br />
Modérez donc, seigneur, cette fureur extrême<br />
Baj., II, 3 :<br />
Seigneur, qu'ai-je entendu? quel<strong>le</strong> surprise extrême<br />
Le péril apparaît moins péril<strong>le</strong>ux lorsqu'il est qualifié d' « extrême »<br />
Phèdre, V, 1 :<br />
Quoi! vous pouvez vous taire en ce péril extrême?<br />
« Extrême » signifiant un excès, n'ous ne nous étonnerons pas <strong>de</strong> voir chez Racine un<br />
excès ramené à la juste mesure par un trop :<br />
Baj., 1, 4 – Roxane :<br />
Ne put voir sans amour ce héros trop aimab<strong>le</strong>.<br />
Certes, <strong>le</strong> sens est : « ce héros trop aimab<strong>le</strong> [pour qu'el<strong>le</strong> ne l'aimât point] »,<br />
mais ce trop a quelque chose <strong>de</strong> modérateur, <strong>de</strong> convenab<strong>le</strong>, qui réduit l'héroïsme au<br />
profit <strong>de</strong> l' « aimab<strong>le</strong> ». Cette politesse, ce souci <strong>de</strong>s convenances sont encore plus nets<br />
dans trop lorsque ce mot n'est que la formu<strong>le</strong> <strong>de</strong>stinée à remplacer un très ou un<br />
beaucoup :<br />
III, 2 :<br />
Et soudain à <strong>le</strong>urs yeux je me suis dérobé,<br />
Trop heureux d'avoir pù, par un récit fidè<strong>le</strong>,<br />
De <strong>le</strong>ur paix, en passant, vous conter la nouvel<strong>le</strong>.<br />
- politesse et affabilité <strong>de</strong> messager. De même, insistance <strong>de</strong> forme sur la gran<strong>de</strong>ur du<br />
zè<strong>le</strong> dans IV, 4 :<br />
Et c'est moi qui, du sien [amour] ministre trop fidè<strong>le</strong>,<br />
Semb<strong>le</strong> <strong>de</strong>puis six mois ne veil<strong>le</strong>r que pour el<strong>le</strong>.<br />
IV, 7 :<br />
Tu vois combien son coeur [<strong>de</strong> Roxane], prêt à <strong>le</strong> [Baj.] protéger,<br />
A retenu mon bras trop prompt à la venger.<br />
À vrai dire ce trop, que nous connaissons par <strong>de</strong>s formu<strong>le</strong>s <strong>de</strong> politesse courantes<br />
comme vous êtes trop aimab<strong>le</strong> aurait peut-être dû prendre place dans <strong>le</strong> chapitre sur <strong>le</strong>s<br />
formu<strong>le</strong>s avec si et tant. Dans un cas comme (Baj., IV, 5) :<br />
Tandis qu'à mes périls Atali<strong>de</strong> sensib<strong>le</strong>,<br />
Et trop digne du sang qui lui donna <strong>le</strong> jour,<br />
Veut me sacrifier jusques à son amour,<br />
on pourrait parfaitement remplacer trop par si, car en fait un <strong>de</strong>scendant ne peut jamais<br />
se montrer « trop » digne <strong>de</strong> ses pères. Cet adverbe <strong>de</strong> mesure produit une sorte <strong>de</strong><br />
<strong>fr</strong>oi<strong>de</strong>ur.<br />
Mais là encore Racine s'entend à redonner <strong>de</strong> la profon<strong>de</strong>ur à <strong>de</strong>s tournures<br />
formel<strong>le</strong>s; dans <strong>le</strong>s exemp<strong>le</strong>s que voici<br />
<strong>Spitzer</strong>, L’effet <strong>de</strong> <strong>sourdine</strong> dans <strong>le</strong> sty<strong>le</strong> classique : Racine. 30