http://www.jeuverbal.fr Spitzer, L'effet de sourdine ... - le jeu verbal
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IV, 2 :<br />
D'un mensonge si noir justement irrité<br />
Je <strong>de</strong>vrais faire ici par<strong>le</strong>r la vérité.<br />
<strong>http</strong>://<strong>www</strong>.<strong><strong>jeu</strong><strong>verbal</strong></strong>.<strong>fr</strong><br />
Qu'on retire l'adverbe objectivant (et aussi, d'ail<strong>le</strong>urs, <strong>le</strong> si et <strong>le</strong> un!), et <strong>le</strong> vers<br />
apparaît plus « ressenti » : De ce noir mensonge irrité... L'adverbe a naturel<strong>le</strong>ment la<br />
même fonction auprès du verbe que l'adjectif auprès du nom, cf. Baj., 1, 2 : [un bruit] «<br />
fait croire heureusement à ce peup<strong>le</strong> alarmé ... ».<br />
Lorsque dans <strong>le</strong>s vers Ath., III, 3 :<br />
Du Dieu que j'ai quitté l'importune mémoire<br />
Jette encore en mon âme un reste <strong>de</strong> terreur,<br />
Et c'est ce qui redoub<strong>le</strong> et nourrit ma fureur.<br />
Mathan explique sa fureur par une crainte réprimée (nous dirions aujourd'hui refoulée),<br />
cette caractérisation naïve <strong>de</strong> Mathan par lui-même est en fait l'opinion <strong>de</strong> l'auteur sur<br />
Mathan; aussi <strong>le</strong> mot importune est-il une notation objective. Racine nous suggère que si<br />
Mathan est hosti<strong>le</strong> au Dieu <strong>de</strong>s Juifs, c'est seu<strong>le</strong>ment parce que <strong>le</strong> souvenir <strong>de</strong> son<br />
reniement lui est « importun », c'est-à-dire indésirab<strong>le</strong>.<br />
Même <strong>le</strong> mot triste renferme chez Racine une appréciation : Mithr., III, 5 : « C'est<br />
faire à vos beautés un triste sacrifice. » Rud<strong>le</strong>r cite (op. cit., p. 136) la définition <strong>de</strong><br />
l'Académie : « Triste. Se dit aussi pour dire petit, léger, médiocre, peu considérab<strong>le</strong>. »<br />
On trouve chez Racine <strong>de</strong>s épithètes homériques, qui élèvent esthétiquement <strong>le</strong><br />
ton <strong>de</strong> toute la pièce, et qui sont plus épiques que dramatiques - <strong>le</strong> déplorab<strong>le</strong> Oreste<br />
d'Andromaque a déjà été retraduit en latin par Anato<strong>le</strong> France, tristis Orestes, cf. Des<br />
Hons p. 242 ; - ils créent un ordre stab<strong>le</strong> antérieur et supérieur aux personnages (et non<br />
issu d'eux), un ordre en vertu duquel certains objets, certains êtres se voient associés à<br />
<strong>de</strong>s épithètes bien précises. Il existe dans ce mon<strong>de</strong> une relation indissolub<strong>le</strong> entre <strong>le</strong><br />
gui<strong>de</strong> et son amabilité : « Je me laissai conduire à cet aimab<strong>le</strong> gui<strong>de</strong> » - ce mon<strong>de</strong> idéal<br />
ne connaît pas <strong>de</strong> gui<strong>de</strong>s autres qu'aimab<strong>le</strong>s.<br />
On connaît bien <strong>le</strong> passage Ath., II, 5 :<br />
... <strong>de</strong>s membres af<strong>fr</strong>eux<br />
Que <strong>de</strong>s chiens dévorants se disputaient entre eux<br />
souvent cité, et encore par Brunot, Hist. d. l. l. f., IV, 303, pour prouver que Racine<br />
n'osait pas employer <strong>le</strong> mot chien SEUL sans l' « adoucir » par l'épithète (mais ne<br />
produit-el<strong>le</strong> pas plutôt un renforcement ?). Mais en III, 5 :<br />
Les chiens, à qui son bras a livré Jézabel, ....<br />
Déjà sont à ta porte ...<br />
(cf. Marty-Laveaux, p. IX), on a bien chiens employé seul. Il faut donc bien admettre que<br />
dévorants a une fonction précise: replacer chiens dans un ordre donné, relier <strong>le</strong>s objets<br />
et <strong>le</strong>s êtres à un niveau supérieur. Un exemp<strong>le</strong> analogue, II, 5 :<br />
Moi-même ...<br />
Je l'ai pris [<strong>le</strong> songe] pour l'effet d'une sombre vapeur.<br />
─ il est vrai que vapeur seul, ce mot à la mo<strong>de</strong>, désignant un état corporel (cf. Boi<strong>le</strong>au,<br />
Lutrin, IX, 40), n'aurait pas été possib<strong>le</strong>. Et même pour la cor<strong>de</strong> du bourreau, Roxane ne<br />
trouve pas d'autre expression, dans Bajazet, que<br />
... ces nœuds infortunés<br />
Par qui <strong>de</strong> ses pareils <strong>le</strong>s jours sont terminés<br />
<strong>Spitzer</strong>, L’effet <strong>de</strong> <strong>sourdine</strong> dans <strong>le</strong> sty<strong>le</strong> classique : Racine. 28