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http://www.jeuverbal.fr Spitzer, L'effet de sourdine ... - le jeu verbal

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<strong>http</strong>://<strong>www</strong>.<strong><strong>jeu</strong><strong>verbal</strong></strong>.<strong>fr</strong><br />

(infortunés, appliqué à un objet, rend à tout <strong>le</strong> moins cet objet plus vivant; on ne<br />

<strong>de</strong>vrait peut-être pas considérer <strong>le</strong>s périphrases d'objets concrets employées par Racine<br />

sous <strong>le</strong> seul ang<strong>le</strong> <strong>de</strong> l'artifice précieux; Lytton Strachey a d'ail<strong>le</strong>urs, dans Books and<br />

Characters, p.20, très bien montré que cette périphrase s'insère parfaitement, dans la<br />

perspective du drame, dans <strong>le</strong> discours vindicatif <strong>de</strong> Roxane). Le mot avantage,<br />

appartenant à la sphère soit mora<strong>le</strong>, soit commerçante, est clairement assigné à la<br />

première par l'épithète nob<strong>le</strong> :<br />

Mithr., III, 5 :<br />

Et mon <strong>fr</strong>ont, dépouillé d'un si nob<strong>le</strong> avantage ...<br />

Cf. Baj., I, 1:<br />

Il [Baj.] vint chercher la guerre au sortir <strong>de</strong> l'enfance,<br />

Et même en fit sans moi la nob<strong>le</strong> expérience.<br />

II, 1<br />

Et par <strong>le</strong> noeud sacré d'un heureux hyménée,<br />

Justifiez la foi que je vous ai donnée.<br />

Ce sont là évi<strong>de</strong>mment <strong>de</strong>s épithètes <strong>de</strong> remplissage, mais qui élèvent en même<br />

temps <strong>le</strong> ton <strong>de</strong> ce discours pathétique. Ils teintent tous <strong>le</strong>s phénomènes <strong>de</strong> blanc ou <strong>de</strong><br />

noir, soulignent la va<strong>le</strong>ur positive ou négative, même lorsque <strong>le</strong> contexte ne laisse aucun<br />

doute sur <strong>le</strong> jugement porté :<br />

Ath., I, 1 :<br />

Mathan, <strong>de</strong> nos autels infâmes déserteur<br />

Et <strong>de</strong> toute vertu zélé persécuteur.<br />

Phèdre, I, 3 :<br />

Je reconnus Vénus et ses feux redoutab<strong>le</strong>s,<br />

D'un sang qu'el<strong>le</strong> poursuit tourments inévitab<strong>le</strong>s!<br />

Baj., V, 12 :<br />

Moi seu<strong>le</strong> j'ai tissé <strong>le</strong> lien malheureux<br />

Dont tu viens d'éprouver <strong>le</strong>s détestab<strong>le</strong>s noeuds.<br />

Les métaphores contenues dans <strong>le</strong>s substantifs sont complètement dépouillées <strong>de</strong><br />

<strong>le</strong>ur effet concret, par <strong>le</strong>s adjectifs d'appréciation mora<strong>le</strong>, feux redoutab<strong>le</strong>s, détestab<strong>le</strong>s<br />

noeuds. Même lorsque <strong>le</strong>s adjectifs ont eux-mêmes une tonalité poétique (comme plus<br />

haut funeste, redoutab<strong>le</strong>) l'appréciation mora<strong>le</strong> re<strong>fr</strong>oidit la passion qui s'exprime: même<br />

un mot comme extrême produit un effet différent <strong>de</strong> son énoncé littéral. Le fait d'utiliser<br />

<strong>de</strong>s qualificatifs excessifs, « extrêmes » prouve que l'on est assez calme pour se référer à<br />

une échel<strong>le</strong> <strong>de</strong>s va<strong>le</strong>urs : extrême n'est pas du vocabulaire <strong>de</strong>s émotions élémentaires,<br />

mais celui du calme, et il répand <strong>le</strong> calme. Il est caractéristique que Racine associe<br />

volontiers extrême à désordre, parce que justement il compose ses pièces sur la base<br />

d'une situation sereine, d'un ordre, et qu'il bannit <strong>le</strong> désordre en <strong>le</strong> nommant :<br />

Andr., I, 1 :<br />

Il peut, seigneur, il peut, dans ce désordre extrême,<br />

Épouser ce qu'il hait, et perdre ce qu'il aime.<br />

(On retrouve dans Baj., II, 3, dans ce désordre extrême.) Et avec funeste :<br />

Ath., l, 2 :<br />

[Je] venais vous conter ce désordre funeste.<br />

<strong>Spitzer</strong>, L’effet <strong>de</strong> <strong>sourdine</strong> dans <strong>le</strong> sty<strong>le</strong> classique : Racine. 29

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